"Quand on n'a rien à se reprocher, on affronte les reproches avec fermeté", a dû réaffirmer Pierre Moscovici, jeudi après-midi devant le sénat, assurant être "un ministre intègre". Depuis jeudi matin, la pression est en effet montée d'un cran sur le patron de Bercy. L'élément perturbateur : un article de l'hebdomadaire de droite Valeurs actuelles, qui affirme que le ministre de l’Économie savait, dès décembre, que l'ex-ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, possédait un compte en Suisse. Une affirmation qui tombe mal, alors que Pierre Moscovici est attaqué de toute part par l'opposition, depuis les aveux de Jérôme Cahuzac.
Ce qu'affirme Valeurs actuelles. Selon l'hebdomadaire, le ministre de l'Economie a su "avant le 31 décembre" que Jérôme Cahuzac avait détenu un compte non déclaré, grâce à une enquête secrète diligentée par le fisc. Le 7 décembre, selon Valeurs actuelles, trois jours après le premier article de Mediapart sur le sujet, le ministre de l'Economie et le directeur général des Finances publiques, Bruno Bézard, auraient en effet mis sur le dossier "une quinzaine de fonctionnaires" chargés d'enquêter sur la véracité des affirmations du site internet. L'enquête aurait même porté un nom : "l'opération Muraille de Chine". L'hebdomadaire laisse également entendre que François Hollande et le ministre de l'Intérieur Manuel Valls avaient alors été informés du résultat de l'enquête. À savoir, selon le journal, une " réponse fort désagréable pour le ministre délégué au Budget: oui, il a bien détenu un compte en Suisse à l'UBS" et même "plusieurs sous-comptes".
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La contre-attaque… Pierre Moscovici n'a pas du tout apprécié l'article, et a décidé de porter plainte. "L'administration fiscale n'a jamais diligenté, contrairement aux affirmations mensongères de Valeurs actuelles, de 'vérification en terre helvétique', ni a fortiori de 'mission secrète'", a réagi le ministre dans un communiqué. Et d'insister : "il n'y a pas eu de demande de l'administration fiscale à son homologue suisse, sous une forme ou sous une autre, formelle ou informelle, écrite ou orale, avant le déclenchement de la procédure d'assistance administrative internationale le 24 janvier 2013". Même message de la part du patron du fisc, Bruno Bézard, qui assure jeudi dans un autre texte qu'une telle démarche n'aurait été "conforme ni au droit ni à la pratique".
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... Qui ne convainc pas l'UMP. L'opposition accuse depuis le début de l'affaire Pierre Moscovici de ne pas être clair sur le sujet. Et elle ne se contentera pas du communiqué de jeudi. Le président UMP de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, a annoncé dans un courriel qu'il se rendrait avec son homologue au Sénat Philippe Marini, membre du même parti, à Bercy "en fin d'après-midi, afin de vérifier les informations" de Valeurs actuelles. "Ils sont étonnamment réactifs", grinçait d'ailleurs jeudi une source gouvernementale citée par l'AFP. "L'UMP n'a plus beaucoup de cartouches, c'est un moyen de prolonger ce feuilleton politicien", a encore renchéri cette source.
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Encore des zones d'ombre. Les présidents des commissions des Finances et les rapporteurs du budget du Parlement peuvent déjà avoir accès aux documents de l'administration fiscale, même ceux qui sont couverts par le secret. Bercy leur a déjà transmis le dossier concernant la demande d'entraide administrative officielle faite à la Suisse le 24 janvier. Enquête qui n'avait pas permis de détecter le compte de Jérôme Cahuzac, et qui a donc éveillé les soupçons de l'UMP. Selon le principal parti d'opposition, Pierre Moscovici n'aurait pas posé la bonne question aux autorités suisses. La question (Jérôme Cahuzac a-t-il un compte en Suisse) portait en effet seulement sur la période 2006-2013, car 2006 est la date de prescription fiscale française. Et elle ne concernait que la banque UBS, citée par Mediapart. Pierre Moscovici "a posé une question étroite, à mon avis volontairement étroite, et il a eu une réponse étroite. Il n'a pas utilisé la possibilité offerte par la procédure exceptionnelle de l'échange de lettres", a ainsi dénoncé Philippe Marini.