La journée a été chargée mardi pour les membres de la commission parlementaire en charge de l'affaire Cahuzac. Pas moins de trois ministres ont été entendus pour essayer de comprendre la gestion par le gouvernement de ce dossier. Après Christiane Taubira, entendue en début de matinée, Manuel Valls puis Pierre Moscovici ont répondu en dernier aux questions de la commission.
Vifs échanges entre Taubira et la commission. Entendue en premier, la garde des Sceaux a donné le ton de cette journée. "Que ça vous étonne ou que ça vous déplaise, (...) je n'ai jamais parlé de cette affaire ni avec M. Valls ni avec M. Moscovici", a martelé Christiane Taubira, en réponse à une question du député Georges Fenech (UMP). "Je suis en charge de la justice. Ma responsabilité, c'est que la justice fonctionne. Et il se trouve qu'elle a bien fonctionné, qu'elle a été efficace, qu'elle a été diligente", a-t-elle lancé en haussant la voix. "Vous n'avez pas à répondre sur un ton agressif", lui a répliqué Daniel Fasquelle (UMP), pour qui "toutes les questions méritent d'être posées et méritent d'avoir une réponse".
Moins de pression pour Valls. Après Christiane Taubira, c'était au tour de Manuel Valls de se présenter devant la commission. L'enjeu était moindre pour le ministre de l'Intérieur qui n'a été mis en cause par aucune des personnes entendues jusqu'ici par la commission. "Je n'ai jamais disposé d'aucun élément oral ou écrit affirmant que M. Cahuzac avait disposé d'un compte à l'étranger", a affirmé le ministre. Non, il n'y a pas eu de "note blanche", ces notes rédigées en dehors de tout cadre légal mentionnant un tel compte, a-t-il poursuivi. Manuel Valls a également assuré n'avoir donné aucune instruction aux services de renseignement et qu'il n'y a pas eu non plus d'enquête parallèle pour vérifier les révélations de Mediapart.
Le ministre a uniquement admis avoir échangé dès le 19 décembre avec le président de la République et le Premier ministre sur l'affaire Cahuzac. Mais pour leur indiquer qu'il ne possédait pas d'élement concernant le compte suisse de Jérôme Cahuzac ni l'enregistrement mis en ligne par Mediapart.
Moscovici, le plus attendu. Interrogé en dernier, le ministre de l'Economie, qui avait autorité sur Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, était le plus attendu, bien que celui-ci ait été exonéré par le directeur général des finances publiques, Bruno Bézard.
Devant la commission, Pierre Moscovici a à nouveau justifié l'action de ses services."Nous avons fait tout ce qui est en notre devoir et en notre pouvoir dans cette affaire", a-t-il assuré. "Aucune interpellation, aucune alerte n'est remontée jusqu'à moi avant les article de Mediapart, et aucun indice avant ses aveux."
Le patron de Bercy a été particulièrement attaqué sur la "muraille de Chine", cette directive signée par Jérôme Cahuzac lui-même, prévoyant que celui-ci serait exclu de toutes les questions concernant les mesures prises à la suite des révélations de Mediapart. Or, Pierre Moscovici a admis qu'une réunion s'est tenue le 16 janvier au cours de laquelle il avait informé le président de la République, François Hollande, et le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de la possibilité d'utiliser la procédure d'entraide administrative avec la Suisse. Cette réunion s'est tenue en présence de Jérôme Cahuzac. "Cela ne vous choque pas que la personne concernée soit associée à la procédure ?", a interrogé le président de la Commission, le centriste Charles de Courson. "Le mot 'associé' est impropre", a rétorqué Pierre Moscovici. "Il a été informé sans que son avis n'ait été demandé. Jérôme Cahuzac n'a évidemment pas été informé du moment où la demande a été lancée" et n'a "jamais été informé de la réponse, qu'il n'a jamais détenue, ni moi", a-t-il ajouté.
Par ailleurs, la demande d'entraide administrative adressée à la Suisse fin janvier ne portait que sur l'existence d'un compte chez UBS car "c'était le seul et unique sujet en cause à notre connaissance", a-t-il justifié. "Il n'y pas eu de dysfonctionnement de l'administration", a répété Pierre Moscovici, renvoyant le problème au défaut d'échange d'informations bancaires entre pays."
Les échanges ont parfois été tendus. "Je vois que je ne vous ai pas convaincu mais je crois vous n'aviez pas envie d'être convaincu", a ainsi lancé Pierre Moscovici au député UMP Gérald Darmanin.
Déjà 44 personnes auditionnées, dont Cahuzac. Deux mois après son installation le 15 mai, la commission a déjà auditionné 44 personnes, dont Jérôme Cahuzac fin juin. Après les trois ministres, mardi, elle bouclera ses auditions avec celle notamment de Stéphane Fouks, président de Havas Worldwide France, mercredi.
Les auditions réalisées jusqu'ici n'ont pas permis de mettre au jour de dysfonctionnement majeur. Le rapporteur général de la commission, le socialiste Alain Claeys, a déclaré début juillet "avoir la conviction", au moins "pour l'instant", que "la justice (avait) fonctionné normalement", sans entrave de l'État. Lors de son audition, Jérôme Cahuzac a assuré ne pas avoir eu de contact avec ses collègues de la Justice ou de l'Intérieur sur l'enquête préliminaire ouverte le 4 janvier concernant son compte bancaire caché à l'étranger. La commission parlementaire doit rendre son rapport avant la fin octobre.
.