Municipales : le "sans étiquette", la nouvelle la mode ?

De nombreux candidats aux municipales décident de ne pas se revendiquer d'un parti et choisissent la mention "divers gauche" ou "divers droite". © MaxPPP
  • Copié
, modifié à

De nombreux candidats décident de ne pas se revendiquer d'un parti. Une mode pérenne ?   

Le phénomène. Quel est le point commun entre David Derrouet, Patrick Maugard, Michel Amiel ou encore Claude Vulpian ? Peu connus du grand public, ils ont tous la particularité d'être maire… et d'avoir quitté le Parti socialiste au cours des six derniers mois. En vue des municipales, ils ont estimé préférable de ne pas se revendiquer d'un parti présidentiel incapable d'arrêter la chute dans les sondages de son président. Ils se représenteront donc sans étiquette, sous l'appellation "divers gauche".

>> Le phénomène est ancré dans la tradition des municipales, surtout lorsqu'un parti va mal. Mais il est amené à se développer. Et il ne concerne pas que la gauche. Décryptage.

Les raisons du désamour. "Sortir du PS après 40 ans de bons et loyaux services est une déchirure", regrette Claude Vulpian, maire de la petite commune de Saint-Martin-de-Crau, dans les Bouches-du-Rhône. Mais il assène : "face au chômage, à l'insécurité, à la fausse pause des augmentations d'impôts et face aux inégalités qui ne cesse de croître, j'ai la conviction qu'un pays qui n'est dirigé que par des énarques et technocrates autour d'un président indécis, va droit dans le mur." "Je n’ai pas le sentiment de trahir le parti. C’est le parti qui me trahit", renchérit Michel Amiel, premier magistrat de la commune des Pennes-Mirabeau, près de Marseille. "Toutes les promesses ont été reniées", assène encore David Derrouet, maire de Fleury-Mérogis, dans l'Essonne.

Le PS nie un mouvement d'ampleur. Contacté par Europe1.fr, le parti socialiste assure de son côté ne pas avoir de chiffre précis sur le phénomène. Phénomène il n'y a pas, d'ailleurs, selon Solferino. "Il s’agit de contextes locaux. Si ces cas avaient été suivis d’une vaguelette de démissions… Mais cela n’a pas été le cas", assure Christophe Borgel, secrétaire national PS aux élections, cité par 20 Minutes.

L'UMP "pas dans une meilleure forme". À l'UMP, sans donner davantage de chiffres, on assure ne pas "du tout connaître ce phénomène". Or, s'il n'y a pas eu de défections récentes, certains maires ou candidats aux municipales se gardent bien de se revendiquer haut et fort d'un parti meurtri par la guerre Copé-Fillon. C'est ce que raconte l'Express dans son édition du 30 octobre. En effet, plusieurs candidats de l'UMP refusent, dont Arnaud Robinet, à Reims, de faire campagne aux côtés des leaders de leur parti. "Si je fais venir François Fillon, les copéistes vont râler, et vice versa. En plus, je ne veux pas politiser l'élection", témoigne Arnaud Robinet. Et de poursuivre : "rien ne dit que l'UMP est dans une meilleure forme que la gauche".

À Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet n'affiche même pas le logo de son parti dans ses tracts et meetings. "Cette campagne c’est l’occasion d’inventer une majorité qui va au delà des camps", se défend la candidate. En outre, comme le rappelle 20 Minutes, en 2011, alors que Nicolas Sarkozy s’enfonçait dans les sondages, des centaines de candidats UMP aux élections cantonales avaient gommé le logo UMP de leurs documents de campagne (remplacé par l'Union pour la Loire, Corrèze demain, etc).

Le "sans étiquette", une vieille tradition… En réalité, le phénomène n'est pas nouveau, surtout dans les petites communes. En 2008, le ministère de l'Intérieur a ainsi recensé près de 24.000 maires sans étiquette. Il y avait 7.700 "divers gauche", contre 3.100 socialistes, et pas moins de 16.000 "divers droite", contre… 2.600 UMP! "Dans les petites communes, les maires sortants mettent traditionnellement en avant leur bilan et leur image plutôt que celle d'un parti", décrypte pour Europe1.fr Paul Bacot, professeur de science politique et spécialiste des noms en politique.

… Amené à se développer?  "Le nombre de sans étiquette va s'accroître, c'est certain. La désaffection envers François Hollande, la guerre des chefs à l'UMP et le manque de leadership doit assez logiquement conduire à ce que certains candidats se désolidarisent de leurs partis", prévoit, pour sa part, Jean Garrigues, politologue et historien de la Ve République, contacté par Europe1.fr. "On peut s'attendre à un phénomène inhabituel de candidats sans étiquette. L'alliance UDI/Modem peut aussi en profiter", estime-t-il. "Lorsqu'un parti est mal en point et mal situé dans les sondages, on peut être tenté de le quitter. En 1983 et 1989, en raison de la dégringolade de François Mitterrand, il y avait eu une période de ce type", poursuit Paul Bacot.

Se présenter sans étiquette, ça fonctionne ? "L'efficacité est prouvée dans les petites communes. Les partisans n'y sont pas attendus, les électeurs recherchent des bons gestionnaires. Cela permet au candidat d'échapper à cette identification à des partis contestés", estime Jean Garrigues. "En plus de cet avantage d'image, cela permet de rallier sur les listes des candidats de plusieurs camps, et d'établir le socle d'un programme de consensus", décrypte ce spécialiste. Toutefois, la manœuvre est à double tranchant. Et elle pourrait freiner la course de certains candidats. "Il faut arriver à faire passer le nouveau message. Il peut y avoir un problème de cohérence", avance Paul Bacot. Et de poursuivre : "il faut faire attention à ne pas braquer son électorat d'origine".