Mais quelle mouche a bien pu piquer Harlem Desir ? Invité de BFMTV lundi soir, le prétendant au poste de premier secrétaire est sorti de sa réserve pour demander un "vote ouvert" des militants socialistes afin de départager les candidats à la succession de Martine Aubry.
"Je souhaite qu'il y ait un vote (des militants) ouvert" aux différents candidats, car la "légitimité du futur premier secrétaire (du PS) doit procéder de ce rassemblement des socialistes qui se seront exprimés par un vote démocratique", a affirmé le député européen qui se dispute la tête de Solférino avec Jean-Christophe Cambadélis.
Surprenante, cette "sortie" de Harlem Désir intervient à un moment opportun. Le numéro deux du PS fait aujourd'hui figure de favori chez les hollandais mais Martine Aubry lui préfèrerait son rival, Jean-Christophe Cambadélis. Le député européen joue donc sa dernière carte, alors que la patronne de Solférino s'apprête à désigner son successeur.
Harlem Désir a une carte à jouer
La maire de Lille doit en effet décider d'ici le 12 septembre qui sera le premier signataire de la "motion de rassemblement" qu'elle a déposé avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et qui a toutes les chances de l'emporter. Car ceux qui veulent afficher leurs soutiens à l'action du gouvernement voteront forcément pour la motion Aubry-Ayrault. Et, sauf énorme coup de théâtre, le premier signataire de cette motion sera désigné comme premier secrétaire, lors du prochain Congrès, à Toulouse.
Ce mode de désignation, qui ne laisse aucune place aux autres motions, est de plus en plus contesté au sein du parti. Il a pourtant été voté en 2010 par les militants, pour éviter que la désignation du premier secrétaire ne donne lieu à des querelles internes très vives, semblables à celles qui s'étaient produites en 2008, lors du congrès de Reims, quand Martine Aubry l'avait emporté sur Ségolène Royal.
Désir veut anticiper toute critique sur sa légitimité
Mais aujourd'hui, les critiques se multiplient au PS. Dans un entretien au Progrès paru mardi, le président socialiste du Conseil régional de Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, peu habitué des coups d'éclat médiatiques, a déclaré craindre un processus "à la nord-coréenne", pour la désignation du successeur de Martine Aubry à la tête du PS. "On a l'impression d'en revenir au temps de l'URSS ", a souligné le baron socialiste, tranchant avec un verbe habituellement tempéré. Sur son blog, le sénateur Gaëtan Gorce - qui avait un temps songé à se présenter – a évoqué, de son côté, une désignation "mi-soviétique mi-vaticane".
En affirmant avoir entendu ceux qui regrettent un processus "opaque", Harlem Désir cherche aussi à anticiper toute critique future sur sa légitimité, en cas de victoire au poste de premier secrétaire. Jean-Christophe Cambadélis, lui, fait mine de ne pas s'inquiéter du processus. "Je suis assez perplexe quant à la demande d'Harlem. Un vote pour désigner le premier secrétaire aura bien lieu. Il y aura très vraisemblablement plusieurs motions, donc plusieurs premiers signataires, donc plusieurs candidats qui seront départagés par un vote des militants. Mais je suis persuadé que c'est ce qu'a voulu dire Harlem", a ironisé le député de Paris, interrogé par Le Monde.