"Contre-vérités" contre "vérités". Le débat médiatique sur le "mariage pour tous" donne lieu à des propos contradictoires des politiques des deux bords. C'est notamment le cas au sujet de la disparition éventuelle des termes de "père" et "mère" du Code civil.
Dimanche soir sur Europe 1, Jean-François Copé a ainsi répété l’un des refrains de la droite. "Il y aura, par exemple, la suppression à la référence ‘père et mère’ dans le Code civil qui sera remplacée par le mot ‘parents’", a affirmé le président de l’UMP.
Najat Vallaud-Belkacem lui a répondu lundi matin. "Le gouvernement entendait mettre fin à certaines contrevérités, comme supprimer les termes ‘père’ et ‘mère’ du code civil, ce dont il n'a jamais été question".
(A partir de 2'10'')
>>> Alors qui dit vrai ?
Ce qui est écrit dans le projet de loi. A en croire Jean-François Copé, les termes ‘père’ et ‘mère’ vont être purement et simplement supprimés du Code civil de manière généralisée. Or, cela n’a jamais été envisagé par le gouvernement. Voilà ce qu’on peut lire dans le projet de loi présenté par Christiane Taubira le 7 novembre en Conseil des ministres : "lorsque cela s’avère nécessaire, les mots ‘père et mère’ sont remplacés par le mot ‘parents’ et les mots ‘mari et femme’ par le mot ‘époux’. Ces substitutions concernent uniquement les articles qui s’appliquent à tous les couples. Dans tous les autres cas, les articles ne sont pas modifiés."
Dans le détail, 74 articles sont tout de même concernés par le remplacement de "père" et mère" par le terme de "parents". Des changements détaillés dans les articles 4 à 23 du projet de loi pour le "mariage pour tous".
C’est donc Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, qui factuellement dit vrai, puisque les termes "père" et "mère" resteront bien dans le Code civil. Ainsi, comme l’affirmait Christiane Taubira dimanche soir sur TF1, "le Code civil ne bouge pas sur la filiation." L’article 312 continuera donc d’édicter que "l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari."
>>> Les modifications envisagées dans le projet de loi pourraient même tout simplement être abandonnées par la majorité.
Les juristes font douter la majorité. Le principal problème soulevé par certains juristes provient du double sens juridique que revêt le terme "parents". "La première est étroite et renvoie au père et à la mère ; la seconde est plus large et couvre les ascendants, descendants et les frères et sœurs, une manière de distinguer les membres d’une famille liés par le sang et ceux liés par l’alliance", explique Annick Batteur, professeur de droit privé à l’université de Caen, dans La Croix.
La solution de l’amendement-balai. Conscient du problème - Erwann Binet (photo), rapporteur du texte, a reconnu jeudi que le texte du gouvernement "n’était pas satisfaisant" sur ce point -, la majorité pourrait avoir recours à un amendement-balai, dès mardi, en commission des Affaires sociales, ou mercredi en commission des Lois. "L’idée est la suivante : plutôt que de changer un mot à chaque fois, on fait un amendement qui dit : 'dans toutes ces circonstances, tel mot est remplacé par tel autre'", explique Didier Maus, spécialiste de la Constitution, joint par Europe1.fr "On n'est jamais vraiment capable de repérer l’ensemble des circonstances donc c’est pour ça qu’on le fait au lieu d’établir une longue liste dans laquelle on risque d’oublier des choses."
Et la majorité y songe sérieusement. Sur le principe, c’est simple, mais en pratique, c’est compliqué à mettre en œuvre", prévient toutefois Erwann Binet dans La Croix. "Ça peut aussi mettre l’accent sur le fait qu’un enfant d’un couple homosexuel n’est pas traité de la même façon qu’un enfant d’un couple hétérosexuel. Et là, on met le doigt sur une différence", pointe Didier Maus. Pour le rapporteur du texte comme pour la majorité, le combat ne fait que commencer.