"Plus facile de recevoir Marine que Jean-Marie Le Pen"

© REUTERS
  • Copié
, modifié à
LE POINT DE VUE DE - Le président doit-il recevoir Marine Le Pen à l’Elysée ? Explications.

La présidente du Front national est reçue vendredi à Élysée, comme tous les principaux dirigeants des partis politiques. Objectif : dialoguer autour des conclusions du rapport Jospin sur la moralisation de la vie politique. Jean-Marie Le Pen, lui, a longtemps été ostracisé, avant d'être reçu par Nicolas Sarkozy. Pourquoi un tel changement ? Sylvain Crépon*, politologue spécialiste de l’extrême-droite, répond à la question pour Europe1.fr.

Comment interpréter la réception de Marine Le Pen à l’Elysée ? Il faut aussi regarder cela du point du vue du discours frontiste, qui n’a de cesse de critiquer la déconnexion des politiques vis-à-vis du peuple. C’est ce sentiment qui fait le lit du FN donc peut-être que, pour le président, c’est un moyen de répondre à cette défiance d’une partie de l’électorat populaire, qui était traditionnellement de gauche et a basculé, pour partie, au FN ou dans l’abstention. La gauche cherche à reconquérir cet électorat et François Hollande veut y contribuer.

C’est donc une rencontre plus électoraliste que politique ? En introduisant un peu de proportionnelle et en donnant donc une représentativité au FN, même faible, François Hollande envoie en effet un signe à ces gens qui, on le voit dans toutes les études, tiennent un discours que je peux résumer en deux phrases : "les politiques ne se soucient pas des gens comme nous", et "voter ne sert à rien donc autant voter FN ou ne pas se déplacer."

Pourtant, avant le G20, il avait reçu tous les représentants des partis, sauf elle… Hollande s’était justifié en disant qu’il ne recevait que les partis ayant une représentativité nationale… Je pense qu’il était plutôt dans une sorte de réflexe car le PS a, historiquement, toujours refusé les rapports avec l’extrême-droite.

Le fait que Nicolas Sarkozy a reçu Jean-Marie Le Pen a-t-il joué ? Je ne pense pas qu’il soit contraint mais cela a joué, c’est évident. Et si Jean-Marie Le Pen était toujours président du FN, je ne suis vraiment pas sûr qu’il aurait été reçu à l’Elysée. La stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen montre ici son efficacité. Même si le FN est toujours un parti d’extrême-droite reposant sur une base xénophobe, elle s’est détournée de toute les polémiques qui plaisaient tant à son père : guerre mondiale et guerre d’Algérie. C’est plus facile de recevoir Marine que Jean-Marie Le Pen.

Quelle est selon vous la réaction de Jean-Marie Le Pen ? Fierté ou jalousie ? C’est une consultation officielle, donc il sera jaloux, c’est certain. Des proches de Marine Le Pen le confient en aparté. Toutes ses provocations depuis que sa fille a pris la présidence du parti en sont un autre signe. Il ne veut pas de la retraite et veut encore peser sur les destinées du FN.

*Sylvain Crépon est notamment l’auteur de Enquête au cœur du nouveau FN, Nouveau monde édition, mars 2012, 300 p.