Sa petite phrase n’est pas passée inaperçue, et c’était sans doute l’effet recherché. Mardi soir, dans le Grand Journal, Martine Aubry a pris ses distances avec Dominique Strauss-Kahn, à qui elle avait jusqu’alors apporté un soutien sans faille lors de ses déboires judiciaires à New York. "Je pense la même chose que beaucoup de femmes sur l’attitude de Dominique Strauss-Kahn vis-à-vis des femmes", a-t-elle lâché, alors que l'ex-patron du FMI avait bénéficié quelques jours plus tôt de l’abandon des poursuites.
Ce revirement s’explique par un changement dans la donne politique. Martine Aubry est désormais largement devancée par François Hollande dans les intentions de vote à la primaire socialiste. La maire de Lille doit donc éviter de se couper d'une opinion publique réservée sur le sujet. Surtout, elle ne peut pas se permettre de perdre l'électorat féminin.
"Tu as assez donné de gages à l’ami Dominique"
Mais pour en arriver à ce changement de cap, il a fallu convaincre Martine Aubry. Selon les informations d'Europe 1, tout s’est joué lundi soir, à la veille de son passage dans le Grand Journal. La maire de Lille avait réuni son état-major pour préparer l’émission. Parmi eux se trouvait Benoît Hamon, qui s'est fait l'écho de ce que pensaient les collaborateurs de Martine Aubry sans forcément oser lui dire.
Le porte-parole du Parti socialiste avait été mis en garde par la secrétaire nationale aux Droits des femmes, Gaëlle Lenfant, et par sa collaboratrice Caroline de Haas, porte-parole d’Osez le féminisme, au sujet de mails outrés reçus par le PS après l’abandon des poursuites à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn. En faisant part de son "immense soulagement", Martine Aubry avait choqué certains jusque dans son camp. Il fallait donc rectifier le tir.
"Tu as assez donné de gages à l’ami Dominique", a plaidé Benoît Hamon. "Tu dois maintenant donner un signe à l’électorat féminin, que tu vas perdre, alors que les femmes savent ce que tu as fait pour elle." Un discours qui a porté ses fruits.
"Fidélité à mes principes et à mon amitié"
Martine Aubry a tout de même nuancé son propos dès le lendemain de son passage sur Canal +. "Dans cette affaire, il y a le comportement d'un homme, et j'ai le droit de penser ce que je veux du comportement de Dominique vis-à-vis des femmes", a-t-elle argumenté sur BFMTV. Sans toutefois s’appesantir sur ce comportement : "Je n'ai pas à parler d'un comportement personnel, ça n'a rien à voir avec la politique".
Surtout, la maire de Lille a tenu à minimiser sa prise de distance avec DSK. "Il y avait une accusation portée contre lui - celle de viol, extrêmement grave, avec un acharnement contre lui - qui fait que je l'ai accompagné pendant cette période, et je ne regrette pas de l'avoir fait en attendant que la justice s'exprime", a poursuivi Martine Aubry. "Là, pour moi, c'était de la fidélité à mes principes et à mon amitié vis-à-vis de Dominique Strauss-Kahn. Quand la justice s'est exprimée, nous pouvons parler. Après, il y a le comportement humain et ça, c'est le rapport de l'un à l'autre", a-t-elle insisté. "On en a parlé. Il m'a aussi parlé de moi, de ce qu'il pouvait me reprocher. Quand on est amis, on se parle de tout."