"On a besoin de tout le monde". Lundi matin, Jean-Marc Ayrault a tenté de mettre fin au cafouillage du week-end entre lui et les écologistes. Cette fois, c’est l’aéroport Notre-Dame-des-Landes qui a relancé les tensions entre les deux alliés. Mais la question de la présence des écologistes - Cécile Duflot au Logement et Pascal Canfin au Développement -, au sein du gouvernement est malgré tout revenue au premier plan, pour la énième fois depuis le début de la mandature.
>> Europe1.fr a donc cherché à comprendre les raisons qui poussent François Hollande à maintenir sa confiance à Cécile Duflot et Pascal Canfin.
>> Parce qu’il pense à 2017. Le président est un passionné de stratégie politique, qui connait ses classiques sur le bout des doigts. Lionel Jospin battu le 21 avril 2002 par la faute d’une gauche morcelée au premier tour - entre autres -, François Hollande n’a jamais oublié, et encore moins digéré. Lui ne fera pas cette erreur. Eviter qu’une candidature écologiste ne lui grappille quelques points au premier tour de la prochaine présidentielle est déjà dans un coin de sa tête. Ne pas brusquer (virer) Cécile Duflot est donc un bon point de départ…
"C’est la raison prioritaire !", tranche même Denis Baupin (photo), député EELV de Paris contacté lundi par Europe1.fr. "On sait déjà que le FN sera très haut. Donc on peut imaginer que celui qui, de Sarkozy ou Hollande, sera qualifié pour le second tour sera le prochain président. C’est un scenario qui doit forcément trotter dans la tête de Hollande", ajoute le vice-président de l’Assemblée nationale. "Ça se pourrait. Ça se dit…", abonde François de Rugy, patron des députés écolos, joint par Europe1.fr,
Daniel Boy, politologue spécialiste de l’écologie politique, n’est pas d’accord avec cette analyse. "Hollande est un tacticien. Sa priorité, à l’heure actuelle, est de relancer son gouvernement. 2017, c’est trop loin, d’autant que la stratégie des écolos est plus qu’imprévisible, Hollande le sait", analyse-t-il. Mais les écologistes, eux, sont convaincus que le président d’aujourd’hui ne veut pas embarrasser le candidat de demain : "ils sont un peu prétentieux …", ironise Daniel Boy.
>> Parce qu’il y a la conférence climat en 2015. En ouvrant la deuxième conférence environnementale de son mandat, François Hollande ambitionnait, en septembre 2013, de faire de la France "l'excellence environnementale". La conférence climat qui se déroulera à Paris en 2015 revêt donc un aspect capital pour le président, qui voudra montrer que lui réussit là où d’autres ont échoué. Un marqueur fort de la politique intérieure en vue de 2017.
L’aborder en ayant viré ses alliés écolos quelques mois plus tôt pourrait donc faire mauvais genre… "Je n’y crois pas du tout ! Le monde se moque de savoir que deux écolos français ont été virés", démine Daniel Boy. Denis Baupin est du même aviss, mais pas pour les mêmes raisons : "je ne pense pas que François Hollande ait placé ce sujet en haut de son agenda. Quant à la caution des écologistes, je ne pense pas non plus que ce soit une priorité pour lui…" Son camarade François de Rugy dit la même chose, à la virgule près : "je doute fortement que ce soit une priorité dans la tête de François Hollande…"
Plus surprenant, Laurence Rossignol, secrétaire nationale du PS chargée de l’Environnement, estime elle aussi que "c’est une explication, mais je ne suis pas certaine qu’elle soit déterminante. Nous réussirons la transition écologique si on ne la sous-traite pas aux écologistes, c’est à l’exécutif de s’emparer de cette question."
>> Parce qu’ils bossent bien. Les écologistes interrogés applaudissent des deux mains, presque surpris. La loi sur le logement portée par leur ancienne patronne aurait (déjà) porté ses fruits, du moins politiquement. "C’est une excellente hypothèse ! Cécile Duflot a fait adopter sa deuxième loi, et on en a entendu que des louanges dans l’hémicycle", assure ainsi Denis Baupin. "Cela fait un certain temps que je le dis, et pas parce qu’ils sont mes amis. Ce ne sont pas eux les ‘faiseurs’ de couacs, ils font leur job efficacement", renchérit François de Rugy, suivi sur ce terrain par Laurence Rossignol, qui évoque pour Europe1.fr "deux bons ministres n’ayant jamais posé de problème dans leur domaine de compétence."
Seul Daniel Boy apporte un bémol à ce constat, rappelant que "si Cécile Duflot ne s’est pas mal débrouillée, sa loi a quand même pas mal été détricotée..."
>> OU ALORS… Jean-Vincent Placé, chef de file des sénateurs écologistes contacté par Europe1.fr, estime en riant que "les trois pistes sont excellentes ! Vous pourriez me remplacer". Reste une quatrième option, privilégiée par nos autres interlocuteurs : conserver une majorité stable. "Il ne peut pas se permettre, en termes d’image, de perdre ses derniers alliés, lui qui a déjà fermé la porte à Bayrou. Les socialistes ne veulent pas rester seuls au gouvernement", décrypte Denis Baupin. "Avant 2017, il y a 2014. Après le premier tour des municipales, il y aura le second. Et je doute que le président ait intérêt à un clash politique avec ses seuls alliés. Les socialistes ne peuvent pas se passer des écologistes", abonde François de Rugy.
Un parlementaire socialiste, qui souhaite garder l’anonymat, confirme que "Hollande n’a pas envie de les virer. Il aime bien Cecile Duflot. Et virer les écolos, ce serait l’isolement absolu des socialistes…" Daniel Boy est plus précis encore : "le président n’a plus qu’une arme : son pacte de responsabilité. S’il se plante au parlement, il fait quoi ? Il est foutu ! Il a donc besoin des 17 voix écologistes". CQFD.
COMPTEUR - Combien de "couleuvres" pour les écolos ?
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