La déclaration. Le député-maire EELV de Bègles Noël Mamère est l'un de ceux qui a appelé vendredi Nicolas Sarkozy à "démissionner" du Conseil constitutionnel, après sa mise en examen pour "abus de faiblesse" dans le cadre de l'affaire Bettencourt. "La première conclusion provisoire qu'il faut tirer, c'est de demander à Nicolas Sarkozy ainsi qu'à Jacques Chirac, qui a été condamné, de démissionner du Conseil constitutionnel". Encore faudrait-il que ce soit possible juridiquement.
"C'est pire que le pape !"
Pourquoi une démission est impossible. "De par son statut de membre de droit du Conseil constitutionnel, un ancien président est intouchable. C'est pire que le pape !", souligne, amusé, le constitutionnaliste Dominique Rousseau, contacté par Europe1.fr. En effet, un Sage membre de droit ne peut ni donner sa démission, ni être démis de ses fonctions par le Conseil constitutionnel. "Ils sont membres de droit à vie", résume le professeur de droit. "L'institution assure la discipline de ses membres mais cela ne concerne que ceux qui sont nommés". Les anciens présidents de la République, en tant que membres de droit, ne prêtent pas serment, par exemple, " fait remarquer son confrère Didier Maus, contacté par Europe1.fr.
Le précédent Roland Dumas. La démission d'un Sage n'est donc possible que pour les membres nommés. " Un membre du Conseil constitutionnel peut démissionner par une lettre adressée au Conseil. La nomination du remplaçant intervient au plus tard dans le mois de la démission", peut-on lire à l'article 9 de la loi organique régissant les statuts de l'institution. C'est ce qu'avait fait Roland Dumas, le 1er mars 2000. Celui qui était alors président du Conseil constitutionnel avait remis sa démission après son renvoi devant le tribunal correctionnel dans l"affaire Elf et sous pression des huit autres Sages qui le menaçaient de le démettre d'office. "Il s'était mis en congés dès mars 1999 et a fini par démissionner car la situation devenait intenable", se souvient Didier Maus.
Ecoutez la réaction de Jérôme Cahuzac, alors député du Lot-et-Garonne, dans les couloirs de l'Assemblée (le passage est à 1'40) :
Il ne siège plus depuis janvier. S'il ne peut être démis ni démissionner de lui-même, Nicolas Sarkozy peut en revanche s'abstenir de siéger, rue de Montpensier. Ce qu'il fait d'ailleurs déjà depuis janvier. "On ne l'a pas vu depuis le début de l'année", assure t-on au Conseil Constitutionnel. L'ancien président s'est mis en retrait après avoir saisi l'institution d'un recours contre le rejet de ses comptes de campagne de la dernière présidentielle. Le 23 janvier, Jean-Louis Debré avait précisé que Nicolas Sarkozy ne siègerait plus tant que le Conseil n'aurait pas examiné ce recours, et ce, pour éviter tout soupçon de conflit d'intérêts. Ainsi, entre ce recours qui devrait être examiné d'ici la fin juin et sa mise en examen dans l'affaire Bettencourt, l'ancien chef de l'Etat ne devrait pas siéger avant un bon bout de temps au Conseil. "Il pourrait rester en retrait jusqu'à la fin de la procédure judiciaire", pronostique Dominique Rousseau.
Un problème bientôt réglé ? Faute de pouvoir régler cette question juridiquement, la réforme constitutionnelle, qui sera présentée au plus tard en septembre, pourrait mettre fin au statut même de "membre de droit". Car l'un des projets de loi de révision propose de supprimer le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution . Cette disposition prévoit que les anciens présidents de la République sont membres de droit à vie du Conseil constitutionnel. Précision de taille : cette disposition ne devrait cependant pas s'appliquer aux anciens présidents y siégeant actuellement. "La logique serait alors que Valéry Giscard d'Estaing et Nicolas Sarkozy se mettent eux-mêmes en retrait", estime Didier Maus.