On a vu ici des Montebouriens, avec un M majuscule, et là des montebourgiens, sans majuscule et moins sympas ; et puis des partisans d’Aubry, sûrs d’être aubrystes, se demander si on ne disait pas au final, "montebourgistes ou montebourgeois ? Merci".
"Ah, les suffixes en politique, c’est complexe", reconnaît le linguiste Claude Gruaz, interrogé, mercredi par Europe1.fr, sur la logique des noms de partisans dans la primaire PS.
"On peut être mitterrandien, sans être mitterrandiste"
"Il faut être prudent. Jugez vous-même, on peut très bien être gaullien, sans être gaulliste ! Dans le premier cas, le suffixe "ien" est là pour signifier une attitude propre à De gaulle [un port de tête gaullien], le "iste" désigne, lui, les partisans du général [le parti gaulliste]", ajoute le linguiste, citant également comme exemple, "mitterrandien" et "mitterrandiste".
Voilà pour la règle : le "iste", ajouté à un nom de famille, désigne donc les partisans rangés derrière un candidat. Mais dans les faits, l’utilisation des suffixes se révèle plus aléatoire. Les "hollandais" sont ainsi plus répandus que les "hollandistes" et "ségolénistes" plus fréquentables que les "royalistes". C’est que, dans l’ajout d’un suffixe, il y a une part d’affectif. Comment expliquer autrement que les partisans de Ségolène Royal aient à cœur de se désigner en tant que "ségolénistes", alors que leurs adversaires les nomment les "royalistes".
Un mélange d'usage et d'affectif
"Les suffixes naissent avec l’usage, sans règles précises", analyse encore Claude Gruaz. "Pour les noms se terminant par un y, le i est déjà amorcé et le "iste" vient presque naturellement. On obtient ainsi facilement des sarkozystes et des aurbystes. Pour les autres, cela relève plus de l’association d’idées. Pour Hollande, il s’agit d’un rapprochement avec un mot existant : les Hollandais, habitants de la Hollande", ajoute-t-il.
Et pour les deux jeunes loups du PS ? "On voit bien qu’il y a quelque chose de péjoratif à parler de montebourgiens, connotés "faubouriens", habitants des faubourgs peu fréquentables. Quant à Valls, pourquoi ne pas les appeler les valseurs ? Plus sérieusement, le "s" final est, ici, gênant et l’ajout d’un suffixe moins évidente. On pourrait imaginer l’enlever", précise encore le linguiste.
De fait, les partisans de Manuel Valls se revendiquent rarement "vallsiens" de la "République vallsienne". Les vallistes, eux, étant clairement en minorité.
En tous cas, "les suffixes utilisés aujourd’hui témoignent de notre époque", conclut Claude Gruaz. "Il y a quelques décennies, on aurait ainsi préféré parler d’aubrois ou d’aubrais, plutôt que d’aubrystes".