Duel dans l'Hémicycle. Deux orateurs vont s’affronter sur la scène de l’Assemblée nationale. Mercredi, Jean-François Copé défendra en effet sa motion de censure contre la politique économique du gouvernement. Jean-Marc Ayrault - qui l’attend "avec impatience" - défendra, lui, son action à Matignon depuis neuf mois.
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"Un côté un peu comique". "Après l'appel à manifester dans la rue, voici la motion de censure ! La "grande orientation" de Copé est de s'opposer systématiquement à la politique du gouvernement, de toutes les façons, sur tous les sujets, le plus souvent de manière stérile et caricaturale", a déclaré lors d'une conférence de presse la porte-parole du groupe PS de l'Assemblée, Annick Lepetit, le 19 février dernier. "Avoir une motion de censure pour nous dire qu’au bout de dix mois, nous serions responsables de cela (du déficit, Ndlr), ça a un côté un peu comique", a de son côté estimé devant la presse Bruno Le Roux, chef de file des élus socialistes, début mars. La motion de censure est pourtant une arme parlementaire traditionnelle dans la Ve république, qui transcende les clivages politiques. Le Parti socialiste est bien placé pour le savoir, lui qui en a déposé… trois en un peu plus d’an lors de la précédente mandature.
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• 8 avril 2008. Un an après l’élection de Nicolas Sarkozy - soit à peu de choses près le timing choisi par l’UMP pour attaquer Jean-Marc Ayrault -, la gauche, enhardie par son triomphal succès aux municipales, s’en prend au choix de Nicolas Sarkozy d’envoyer des renforts français en Afghanistan et de revenir dans le commandement intégré de l’Otan. Bref, c’est "la dérive atlantiste" du chef de l’Etat qui est fustigée par l’opposition, qui dépose donc une motion de censure. L’occasion pour le gouvernement de rappeler que c’est… Lionel Jospin (avec Jacques Chirac) qui avait décidé d’envoyer l’armée française sur le théâtre afghan, en 2001…
• 27 janvier 2009. Moins d’un an plus tard, c’est l’"inaction économique" du gouvernement face à la crise - tiens donc, déjà…- qui est au centre de l’accusation de l’opposition. Le Parti socialiste s’en prend avec force à la politique sociale de l’équipe Fillon, mais peine à convaincre. Jean-François Copé - tiens donc, déjà… - s’offre alors une sortie remarquée sur le contre-plan de relance proposé par les socialistes en réponse au plan du gouvernement : "50 milliards d'euros, c'est très cher payé pour des mesures qui n'ont jamais marché !"
• 8 juillet 2009. Affaibli par sa défaite lors des élections européennes, le PS tente de se refaire la cerise en dénonçant les "dérives institutionnelles" de Nicolas Sarkozy. Quelques jours plus tôt, le président s’était exprimé devant le Congrès de Versailles pour annoncer notamment le lancement d'un emprunt national ou encore l’allongement de l'âge de la retraite. Des munitions toutes trouvées pour Laurent Fabius, défenseur de la motion de l’opposition à la tribune, et qui dépeint alors le chef de l’Etat comme s’étant fait élire "comme le candidat du pouvoir d’achat. Aux yeux de tous les Français, il est monsieur chômage et monsieur déficit". Réponse de François Fillon : "l’opposition joue à se faire peur en voyant partout la liberté en danger!" Et le Premier ministre de crier au "manichéisme" et à l’«opposition systématique".
Laurent Fabius: motion de censure PS du 8 juilletpar lfabiusUn point commun ? Oui, un, et un seul : toutes ces motions de censure ont échoué. Depuis 1958, 54 ont été déposées et seulement une, en 1962, a été adoptée. Celle de Jean-François Copé échouera également, et le patron de l’UMP le sait. L’important est ailleurs. Pour l’opposition, la motion n’est qu’un outil pour prendre à témoin l'Assemblée, l’opinion, et acter un désaccord de manière solennelle. Un outil de gauche comme de droite.