Quand perchoir rime avec pouvoirs

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La bataille pour la présidence de l'Assemblée nationale est engagée. Un poste très convoité.

Dans le rang protocolaire, il est le quatrième personnage de l'Etat. A chaque début de mandature, lors de sa première séance, l'Assemblée nationale nouvellement élue se choisit un président. Son élection, acquise pour toute la durée de la législature, a lieu au scrutin secret à la tribune. Cette année, "le perchoir" est promis à la gauche, qui détient une large majorité absolue à l'Assemblée. Les socialistes Claude Bartolone et Jean Glavany sont sur les rangs. Elisabeth Guigou, elle, n'a pas officialisé sa candidature mais se dit "préparée et très motivée". A moins que, sous la pression du Premier ministre, Marylise Lebranchu ne décide de quitter le gouvernement pour briguer le perchoir. D'autant qu'aucune femme n'a été présidente jusqu'à présent. Ils sont donc quatre à lorgner un siège très prisé. Mais au-delà de sa nature prestigieuse, quels sont les pouvoirs dévolus à la fonction ?

De 1958 à 2012, ils sont 11 à avoir présidé l'Assemblée nationale. Jacques Chaban-Delmas à trois reprises, (1958-1969 puis 1978-1981 et 1986-1988), Achille Peretti (1969-1973), Edgar Faure (1973-1978), Louis Mermaz (1981-1986), Laurent Fabius à deux reprises (1988-1992 et 1997-2000), Raymond Forni (2000-2002), Jean-Louis Debré (2002-2007), Patrick Ollier (2007) et Bernard Accoyer (2007-2012).

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Une autorité sur l'Assemblée…

Chargé de veiller au respect du règlement interne de l'Assemblée, le patron de l'hémicycle s'assure d'abord du bon déroulement des débats. Dans ce cadre, il peut suspendre voire arrêter une séance qui dérape, comme ce fut le cas le 7 février dernier, lorsqu'une question de séance de Serge Letchimy enflamme l'Hémicycle. Le député de la Martinique, apparenté PS, interpelle le Premier ministre sur les propos polémiques du ministre de l'Intérieur sur les civilisations. Lorsqu'il accuse Claude Guéant de chercher à "récupérer" une part de l'électorat du Front national en flattant "une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque, le Premier ministre d'alors, François Fillon, se lève et part, suivi du gouvernement. Serge Letchimy, lui, est alors coupé par le président de l'Assemblée, Bernard Accoyer.

 

Ce pouvoir de discipline, le titulaire du perchoir peut aussi le mettre en œuvre lorsqu'il estime que la discussion parlementaire est entravée. Président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP) en a fait la démonstration le 15 septembre 2010, lors de l'examen de la réforme des retraites. Une séance particulièrement houleuse. Après l'examen du texte, pas moins de 165 députés PS, PCF, Vert et Parti de gauche s'inscrivent pour s'exprimer à tour de rôle à l'occasion d'une explication de vote individuelle. Ce qui revient à prolonger la séance de treize heures, à raison de cinq minutes par député, et ainsi retarder le vote sur le texte.

Mais contre toute attente, Bernard Accoyer met un terme au débat. "Je ne laisserai pas, au travers de petites manœuvres, l'obstruction qui est paralysante et dévalorisante pour notre Parlement, se réinstaller", lance alors Bernard Accoyer, après la fin de l'examen du texte, devant un hémicycle survolté. "Démission !", scandent alors les députés de gauche en colère, en sortant dans les couloirs du Palais-Bourbon.

…qui siffle parfois la fin de la récréation  

Il est aussi des questions d'actualité qui en ont réveillé plus d'un à l'heure de la sieste le mercredi après-midi. Comme le 8 novembre 2011. Lorsqu'à six mois de la présidentielle, il accuse les socialistes d'avoir pris le pouvoir "par effraction" en 1997, le ministre de l'Economie François Baroin met le feu aux poudres à la Chambre basse. "Je vous en prie mes chers collègues on se calme, allons, allons ! ". Bernard Accoyer, au perchoir, tente de calmer le jeu. Mais face à la colère des élus de gauche, le président de l'Assemblée nationale est contrait de lever la séance des questions au gouvernement.

 

Quatre ans plus tôt, c'est Jean-Louis Debré qui s'y colle. Le 20 juin 2006, un seul mot suffit à enflammer l'Assemblée nationale : "lâcheté". L'accusation sort de la bouche du Premier ministre d'alors, Dominique de Villepin, en réponse au premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, qui l'interpellait notamment sur la gestion d'EADS. Bronca immédiate des députés socialistes qui quittent leur banc pour squatter devant la tribune de Jean-Louis Debré. Les "rasseyez-vous" ou encore "on se calme" du président de l'Assemblée nationale n'y feront rien. Jean-Louis Debré prend alors les choses en main, et interrompt la séance des questions d'actualité.

 Un séduisant pouvoir de nomination

Résidant à l'Hôtel de Lassay, petit hôtel particulier jouxtant l'Assemblée, le président a par ailleurs le pouvoir de nommer trois des neuf membres du Conseil constitutionnel, un lors de chaque renouvellement triennal (la prochaine nomination interviendra en février prochain, nldr). Une prérogative qui a son importance puisque les Sages ont le pouvoir d'invalider les lois. Le président de l'Assemblée nationale peut d'ailleurs saisir le Conseil constitutionnel, notamment avant la promulgation d'une loi.

Un pouvoir de nomination qui ne s'arrête pas là. Le titulaire du perchoir désigne également deux membres siégeant au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et deux au Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA).
 

Des prérogatives d'exception

Le président de l'Assemblée nationale n'est pas le quatrième personnage de l'Etat pour rien. Le président de la République ne peut pas dissoudre l'Assemblée nationale ou mettre en œuvre les pouvoirs spéciaux de l'article 16 sans le consulter au préalable. La Constitution prévoit au passage qu'après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le patron de l'Hémicycle peut saisir les Sages aux fins d'examiner si les conditions de l'article 16 sont remplies.
 

C'est également lui qui préside le Congrès, la réunion des deux chambres, Assemblée et Sénat, lorsqu'il est nécessaire de le réunir comme c'est le cas pour faire adopter une réforme constitutionnelle par exemple. En 2008, lorsque pour la première fois depuis 1793, le chef de l'État s'adresse en personne au Congrès, Bernard Accoyer, en patron de l'Hémicycle prend son rôle au sérieux. "Les roulements de tambour des gardes républicains seront pour le président du Congrès, pas pour le président de la République", prévient le député de Haute-Savoie, soucieux de préserver la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif.

>> A lire aussi : le billet d'Olivier Duhamel, "Pourquoi le perchoir est-il si prisé ?"