En tant qu’ancien ministre de la Justice, Robert Badinter est très attentif à l’indépendance et à la liberté de l’institution judiciaire en France. Le sénateur des Hauts-de-Seine n’a donc guère goûté les propos de Brice Hortefeux en réaction à la condamnation vendredi de sept policiers par le tribunal de Bobigny. "Ce jugement peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné", avait notamment lancé le ministre de l’Intérieur.
Ecoutez Robert Badinter :
"Ce n’est pas à lui de se faire le défenseur de ces policiers", a dénoncé Robert Badinter lundi sur Europe 1. "Tout ministre qui commente, étant en fonction, une décision de justice méconnaît cette espèce d’obligation de silence qui doit régner vis-à-vis d’un jugement. Déclencher une polémique pour montrer à ses hommes qu’on est toujours à leur côté, est-ce cela la mission d’un ministre extrêmement important de la République ? Qu’il laisse les institutions fonctionner comme elles le doivent." Et de conclure à l’endroit du locataire de la place Beauvau : "Il n’est que temps de laisser chacun faire son travail."
"Qu’est-ce qu’il reste de la loi ?"
Robert Badinter est d’autant plus virulent qu’il estime que la faute commise est gravissime. "Ces policiers ont tourné leur dos à leur mission", a asséné le sénateur des Hauts-de-Seine. "Fabriquer des preuves contre un innocent, le livrer ensuite à la justice avec des faux témoignages… Avec comme conséquence possible ce qu’il y a de pire : une erreur judiciaire délibérée. On ne peut pas aller plus loin dans la violation de l’éthique judiciaire. La première défense des libertés individuelles, c’est la conscience des policiers. S’ils commencent à fabriquer des preuves pour faire condamner des innocents, qu’est-ce qu’il reste de la loi ?"
Les attaques contre les magistrats de Bobigny, accusés de laxisme au sujet des jeunes délinquants, a également le don d’énerver le père de l’abolition de la peine de mort. "Qu’on ne vienne pas constamment, parce que cela ne nourrit pas les espérances de ceux qui veulent des peines toujours plus dures, immédiatement dire que c’est du laxisme", s’est-il agacé, avant de rappeler : "il y a une disposition qui prévoit que les juges d’application des peines peuvent transformer les peines de moins d’un an de prison ferme en port d’un bracelet électronique. Je pense qu’à ce moment-là, M. Hortefeux ne s’en prendrait pas au juge de l’application des peines."