Après les bénéfices des grands groupes, Nicolas Sarkozy s’attaque aux exilés fiscaux. Le président-candidat a proposé lundi la création d’un impôt sur les revenus du capital des exilés fiscaux. Le principe : ceux-ci devront payer au fisc français la différence entre l’impôt payé à l’étranger et celui qu’ils auraient versé en France. Mais cette mesure, simple en apparence, risque d’être compliquée à appliquer.
Nicolas Sarkozy a prévenu que rien ne changerait pour les deux millions d’expatriés français "qui partent pour travailler, pour créer une entreprise". Sa cible, ce sont les exilés fiscaux, "partis à l’étranger dans le seul but d’échapper à l’impôt français", a précisé le président-candidat, qui n’entend toucher que "les contribuables très aisés".
"Compliqué de faire la distinction"
D’après Philippe Crevel, économiste et spécialiste de la fiscalité, les exilés fiscaux seraient entre 200.000 et un million. "Le souci, c’est la définition de l’exilé fiscal", explique-t-il à Europe1.fr.
"C’est compliqué de faire la distinction" entre les deux catégories, relève l’économiste. Un expatrié travaillant dans une entreprise française ne pose pas problème, mais s’il travaille pour une entreprise étrangère à l’étranger, une question se pose : "est-il un exilé fiscal ou un expatrié ? Est-il parti pour améliorer sa situation fiscale ou pour trouver un travail ?", s’interroge Philippe Crevel. Quant à l’exilé fiscal, "il cherchera à devenir expatrié", tout simplement "en trouvant un travail sur place", échappant ainsi à l’impôt français.
Pas de déchéance de nationalité
"La seule solution, c’est le système américain", affirme-t-il. Les États-Unis sont en effet le seul pays du monde, avec les Philippines, à taxer ses ressortissants y compris à l’étranger. Sans faire de distinction entre les catégories de personnes installées à l’étranger. Outre-Atlantique, le système fiscal est aussi généralement plus avantageux pour les contribuables, et prévoit une déduction spéciale pour les expatriés.
Aux États-Unis, les fraudeurs sont en outre menacés d’être déchus de leur nationalité. Rien de tel dans le projet de Nicolas Sarkozy, a précisé sa porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet. "S’il ne paie pas, il est poursuivi par le fisc […] En revanche, s’il veut échapper à la mesure, il est bien sûr libre de prendre une autre nationalité".
Des conventions fiscales à renégocier
D’un point de vue législatif, la mesure proposée par Nicolas Sarkozy passera, comme la taxe "Total" proposée la semaine dernière, par une "renégociation des conventions fiscales" avec les pays concernés. "On prendra les pays où il y a beaucoup d’exilés fiscaux et où la fiscalité sur les revenus du capital est plus avantageuse qu’en France", résume l’entourage du chef de l’Etat.
Ce travail "prendrait beaucoup de temps", note Philippe Crevel. Mais pour le camp du président-candidat, "ce n’est très sincèrement pas un problème", puisque les États-Unis l’ont fait.
Sauf que la France risquerait alors de s’attirer les foudres de l’Europe, souligne dans Le Monde Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes. "Changer les règles pour les seuls Français les désavantageraient par rapport aux autres Européens et poserait un problème de discrimination", ce qui est interdit par la Convention européenne des droits de l’homme. En clair, résume Philippe Crevel, la mesure proposée par Nicolas Sarkozy "ne se fera pas d’un coup de baguette magique".