Questions au gouvernement : faut-il cesser la foire à l'empoigne ?

"Les QAG donnent une image extrêmement désagréable du Parlement. C'est du mauvais théâtre", estime le socialiste Jean-Jacques Urvoas.
"Les QAG donnent une image extrêmement désagréable du Parlement. C'est du mauvais théâtre", estime le socialiste Jean-Jacques Urvoas. © MAXPPP
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JOUTES - Plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer l'inutilité des Questions au gouvernement. Faut-il les écouter?

"Ces séances n'apportent rien". À l'instar du député UDI du Maine-et-Loire, Michel Piron, les Questions au gouvernement (QAG) n'emballent pas tout le monde, peu importe la couleur politique. Une semaine après le boycott de la séance par l'UMP, le débat sur leur pertinence n'est pas clôt. "Les QAG donnent une image extrêmement désagréable du Parlement. Elles contribuent à nourrir une forme de rejet de la part des électeurs. C'est du mauvais théâtre", taclait encore la semaine dernière le socialiste Jean-Jacques Urvoas.

>> À quoi servent vraiment ces séances ? Faut-ils les supprimer ? Pas si simple…

Les QAG, qu'est-ce que c'est ?  Depuis 1974, deux heures par semaine, le mardi et le mercredi de 15h à 16h, les députés ont la possibilité d'interpeller le gouvernement à l'Assemblée sur des sujets d'actualité. Devant les caméras de France 3 et de LCP, les élus ont le droit à 15 questions de deux minutes par séance, réparties selon la taille des groupes parlementaires. Les ministres ont ensuite deux minutes pour leur répondre à leur tour. Parité oblige, la majorité et l’opposition se répartissent entre le mardi et le mercredi 15 questions chacun. Ceux qui ne se disent ni de la majorité, ni de l'opposition, peuvent poser une question tous les deux mois.

>> Un exemple de question posée par Bernard Accoyer, après l'affaire Cahuzac :

QAG Accoyerpar Samuellegoff 

Les questions sont réparties entre les députés après un débat au sein même des groupes parlementaires, après "parfois une vraie concurrence entre les députés, pour avoir le plus gros capital de questions", précise le constitutionnaliste Didier Maus, contacté par Europe1.fr. Même chose au Sénat, où les séances se déroulent deux fois par mois, le jeudi après-midi.

>> Tous les détails sur le site de l'Assemblée, ici 

Un côté "mise en scène". Officiellement, les QAG  permettent aux députés de faire remonter et de demander au gouvernement des "informations" sur "des sujets ponctuels et des points d’actualité". Mais le côté "information" est un peu survendu par le règlement de l'Assemblée. Souvent, elles tournent à la foire à l'empoigne. Le gouvernement défend son action, et le député n'a pas la réponse qu'il souhaite. Parfois, il ne souhaite même pas forcément de réponse et ne prend la parole que pour critiquer l'exécutif.  "Ce sont des agressions et des contre-agressions, ça se résume à 'c'est votre faute, c'est la leur'", schématise ainsi Michel Piron.

>> L'attaque de Manuel Valls contre Claude Goasguen, la semaine dernière :

Manuel Valls s'en prend au député UMP Claude...par LeLab_E1

"Les QAG ont des limites". Elles sont courtes, formelles et n'apportent pas vraiment d'informations. Il y a un côté mise en scène. Et le court laps de temps accordé renforce leur côté brutal", estime également Didier Maus. "Par ailleurs, comme le droit de suite n'existe plus (la possibilité pour un député de répondre au ministre), on assiste davantage à une succession de monologues qu'à un vrai dialogue", poursuit le politologue. Des "monologues" souvent peu dynamiques, puisque contrairement à la Grande-Bretagne, les députés ont le droit de lire leur texte.

QAG ANIpar Samuellegoff

"Un exercice indispensable".  Selon le spécialiste, les QAG sont toutefois "l’élément de base du contrôle parlementaire". Elles permettent, en effet, de montrer au public que le parlement joue son rôle de contre-pouvoir. "C'est un exercice indispensable. Les députés en ont besoin pour assurer la présence et le relai médiatique de ce qui se passe dans l'hémicycle", défend Didier Maus. "Et puis elles permettent de vraiment interpeller le gouvernement, du fait même de la disposition de l'Assemblée. Elle est en pente, et les ministres peuvent sentir le poids des députés, qui sont en face d'eux", poursuit le  constitutionnaliste.

Une mise en lumière inespérée. En outre, les QAG offrent aux députés une mise en lumière différente de celle des matinales radios et des plateaux télés, auxquels n'ont accès que les politiques les plus médiatiques. "Certains députés ne font même rien en dehors de ces séances, qui leur permettent d’être vu par leurs électeurs les plus âgés (et donc les électeurs les moins abstentionnistes)", raconte ainsi dans un post Pierre Januel, rédacteur du blog de l'Express : "les cuisines de l'Assemblée".  "Ces députés sont heureusement rares et portent souvent une veste de couleur", précise-t-il toutefois. On pense, par exemple, au socialiste Patrick Roy, qui s'est illustré de 2002 à 2011 par ces interventions en veste rouge.

Patrick Roy

Vers une réforme de l'exercice ? "Les QAG servent à tout le monde : la majorité peut défendre son gouvernement et l'opposition peut le critiquer. Personne n'imagine sérieusement de les supprimer", conclut Didier Maus. La solution serait donc peut-être de conserver l'exercice en en corrigeant les défauts. Pour le député UMP Benoist Apparu par exemple, "soit on revient à des vraies questions, sans agressivité outrancière d'un côté comme de l'autre, et c'est utile, soit on continue dans cet espèce de théâtre ridicule, et c'est inutile et même dangereux".

"Dans un monde parlementaire idéal, il faudrait maintenir ce rendez-vous, mais en le civilisant", résumait l'éditorialiste de Ouest France, Michel Urvoy, la semaine dernière après le boycott de l'UMP. Et de lister les pistes de réformes possibles, dans ce "monde idéal" : "moins de questions, moins de sujets, une possibilité de relance par une seconde question, plus de temps par sujet et la possibilité pour le président de séance de sanctionner instantanément le député ou le ministre qui adopte un ton désobligeant ou tient des propos irrespectueux".

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