En proposant de créer un taux d'imposition à 75% pour les très hauts revenus - "au-dessus d'un million d'euros par an" - François Hollande a créé la surprise et suscité un vif débat. La gauche défendant une mesure de "justice", la droite moquant une "course à l'échalote", François Bayrou parlant de "déconomètre". Mais, concrètement, en quoi consiste cette mesure ? Qui impacte-t-elle et pour quel bénéfice ? Décodage de la mesure-surprise de Hollande.
En quoi consiste cette mesure ?
Concrètement, François Hollande propose de "créer une tranche marginale d’imposition sur le revenu" (taux auquel est imposé la dernière tranche du revenu), rappelle l’économiste Bruno Jérôme, maître de conférences à Paris II et expert du Lab d’Europe 1, avant d’expliquer : "Dans ce cas, c'est uniquement la partie du revenu fiscal supérieur à 1 million d’euros serait taxée à hauteur de 75 %". Exemple : un Français dont le revenu fiscal atteindrait 1.3 million serait taxé à hauteur de 75 % "uniquement" sur 300.000 euros.
Combien de personnes sont aujourd’hui concernées ?
Selon Pierre Moscovici, le directeur de campagne de François Hollande, cette mesure "s'appliquera à peu de Français, entre 7.000 et 30.000 selon les calculs". "Ce chiffre est en réalité difficile à déterminer", analyse, pour sa part, Bruno Jérôme. "Selon les rapports budgétaires, la proposition de François Hollande impacterait entre 15.000 et 30.000 foyers fiscaux", détaille-t-il avant d’ajouter : "cette estimation des foyers est délicate car on ne sait pas combien d’entre eux décideraient de changer de comportement et de tout faire pour être exonérés si la mesure passait".
Quel gain pour l’Etat ?
"Cette mesure proposée par Hollande permettrait de dégager entre 200 et 300 millions d’euros. Ce qui est très peu au niveau du budget l’Etat", analyse l’économiste de Paris II. "L’utilité de cette réforme serait donc plus politique qu’économique. Elle est conçue pour envoyer le message suivant : l’Etat fait de la redistribution via l’impôt", ajoute Bruno Jérôme qui estime toutefois : "Elle comporte aussi un risque, celui de faire fuir les plus mobiles de ces riches Français".
Un tel niveau a-t-il déjà été atteint ?
En France, le taux marginal d’imposition s’est déjà élevé à 60% de 1945 à 1981 et de 65% de 1982 à 1986, pour s’abaisser ensuite. Le député PS du Rhône Jean-Marc Ayrault et l’économiste Pierre-Alain Muet ont par ailleurs rappelé, mardi, qu’après la crise de 1929, Franklin D. Roosevelt avait "augmenté très fortement l'imposition sur les très, très hauts revenus, la faisant passer à 60%, puis 80%".