Europe Ecologie-Les Verts, Daniel Cohn-Bendit en est l’initiateur. Cécile Duflot, la secrétaire nationale. Eva Joly, la représentante pour 2012. Autant de personnalités très médiatiques qui essaient d’accorder leurs violons, dans une formation longtemps habituée au chaos. Même si dans toute formation politique, et chez les écologistes en particulier, personne ne détient seul le pouvoir, Europe1.fr tente de faire le point pour savoir qui mène la barque chez les écolos.
Cohn-Bendit, "l’agitateur d’idées"
C’est par lui que tout a commencé à l’été 2008. Et pourtant, trois ans plus tard, le fondateur d’Europe-Ecologie, qui a largement contribué aux derniers succès électoraux des écologistes français, semble voir son "bébé" lui échapper. Joint par Europe1.fr, Daniel Boy, politique spécialiste d’écologie politique le confirme. "Cohn-Bendit ne contrôle rien".
Après l'échec cuisant de sa motion devant les militants d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) au printemps dernier, Daniel Cohn-Bendit, grand absent du premier congrès d’EELV à La Rochelle en juin, a ainsi décidé de se mettre en retrait du mouvement écologiste. Avant de changer d’avis. Le député européen a ainsi annoncé jeudi qu'il cessait de bouder son parti, acceptant ainsi de participer aux journées d'été du parti.
Agacé par le retour des "Verts plus", trop repliés sur eux-mêmes à son goût, "Dany" semble pourtant faire preuve de lassitude. En réalité, Daniel Cohn-Bendit n’a pas d’autre rôle que celui d’ "agitateur d’idées", confie un cadre du parti contacté par Europe1.fr. "Il a toujours joué ce rôle là. On a pris une certaine habitude à faire avec", analyse avec philosophie ce dernier. Les faits semblent lui donner raison, puisque le leader écolo vient de remettre un dossier sensible sur la table : l’alliance avec les socialistes pour 2012. Par ailleurs, alors qu’il appelle au rassemblement, l’ex-leader de Mai 68 remet en question une candidature écologiste en 2012, mettant en avant le risque d’un nouveau 21 avril
Cécile Duflot, "pôle de stabilité"
Lourde tâche que celle de secrétaire nationale d’Europe-Ecologie-Les Verts. A la tête d’un parti habitué aux tumultes internes, Cécile Duflot n’a qu’un seul refrain : l’union. L’élue écologiste a d’ailleurs pris le soin de ne faire siéger à la direction aucune personne dotée d’une autorité extérieure trop importante. Considérée au sein du parti comme un véritable "pôle de stabilité", Cécile Duflot bénéficie d’ "une légitimité incontestable", estime le député François de Rugy, joint par Europe1.fr.
"Je porte, depuis toujours, une attention très forte au collectif : la politique souffre du positionnement individuel", confiait récemment la patronne des écolos. Même lorsqu’elle est agacée par l’attitude de ses collègues, Cécile Duflot y va avec prudence. Daniel Cohn-Bendit est "un peu décalé par rapport à la réalité d'Europe Ecologie-Les Verts aujourd'hui", osait-elle à peine dire au printemps dernier, au moment où l’eurodéputé ne mâchait pas ses mots à l’égard de ses collègues. Celle qui en 2006, devenait à 31 ans la plus jeune secrétaire nationale des Verts, a donc un pouvoir. Celui d’éviter que la maison verte ne s’effondre.
Pourtant, l’élue francilienne ne semble pas aveuglée par l’ambition. Au contraire. Cécile Duflot n’a pas souhaité être candidate à la présidentielle de 2012, alors qu’elle en aurait eu toute la légitimité. Cette dernière estime ne pas avoir les "épaules assez larges pour porter seule une telle charge". "Ça n'a jamais fait partie de mes plans de carrière d'être candidate en 2012", disait-elle dans un entretien au Nouvel Observateur le 18 août 2010
Manque d’ambition ou simple preuve de réalisme, Cécile Duflot sait donc ce qu’elle veut- le rassemblement - et ce qu’elle ne veut pas – la personnalisation du pouvoir. En cela, l’écologiste a probablement choisi le bon poste en se faisant largement élire en mai dernier à la tête du parti : celui de garante de l’unité d’Europe-Ecologie, et des Verts…
Eva Joly, la bonne élève
"Elle en fait plus qu’il n’en faut pour paraître verte", commente d’entrée Daniel Boy, spécialiste de l’écologie politique. Eva Joly, ancienne magistrate, un temps proche du MoDem de François Bayrou, et récemment tombeuse de Nicolas Hulot, l’écologiste préféré des Français, avance sereinement mais sûrement.
Candidate des écolos à la présidentielle, la Franco-Norvégienne n’a pas froid aux yeux, et peut se targuer d’avoir mis en ébullition les écologistes, qui l’ont largement plébiscitée lors de la primaire en juillet dernier. Le député européen Yannick Jadot, porte-parole de l’ancienne magistrate salue, sur son blog "une femme écologiste", "de combat" et "compétente". Oui. Celle qui a fait tomber des têtes à Elf et mis Dominique Strauss-Kahn en examen sans cligner des paupières, a fini par emporter le cœur des Verts, alors même que l’écologie n’est pas son domaine de prédilection. Il faut dire qu’Eva Joly n’est pas avare en phrases choc (Nicolas Hulot "se trompe d'élection présidentielle", David Douillet, "heureux détenteur d'un compte au Liechtenstein", Christine Lagarde "honte nationale") et se positionne très à gauche.
Mais c’est peut-être cette capacité à se fondre dans le parti qui constitue aussi les propres limites de la candidate écologiste. "Quand on est candidat des Verts, on n’a pas les mains libres", explique Daniel Boy, qui observe que l’eurodéputée a déjà bien pris le soin de "s’autosurveiller".
Jean-Vincent Placé, celui qui tire les ficelles
C’est peut-être dans l’ombre qu’il est le plus facile d’agir. Jean-Vincent Placé l’a bien compris. "Il joue un rôle d’influence indéniable sur la vie interne du mouvement et sur les décisions prises par la secrétaire nationale", observe François de Rugy.
Qualifié de "numéro deux du parti", alors même qu’il ne figure pas dans les statuts, Jean-Vincent Placé "est un des rares Verts à avoir une vraie capacité d’homme d’appareil", analyse Daniel Boy, qui voit en lui "l’un des plus malins et des plus solides" du parti. Le politologue l’assure. "Jean-Vincent Placé a une vision du parti à long terme, une véritable capacité d’anticipation politique et une fibre électorale". L’ancien compagnon de Cécile Duflot a tout du fin stratège. L’écologiste n’a-t-il pas d’ailleurs sur son bureau, un buste de François Mitterrand, seul président socialiste de la 5e République et architecte de l’union de la gauche ?
Alors que certains au sein du parti souhaiteraient s’ouvrir au centre, c’est Jean-Vincent Placé qui maintient le parti à gauche. Candidat aux élections sénatoriales de septembre, ce redoutable apparatchik ne le cache pas. "Je suis un homme de pouvoir", dit-il. Mais s’il souhaite aller encore plus loin, ce "Richelieu des Verts", comme le surnomme Daniel Cohn-Bendit, devra apprendre à surveiller sa langue, quelquefois trop "pendue" au goût de ses collègues. Certains observateurs voient par ailleurs un autre obstacle à l’ascension de Placé, une certaine timidité. Le stratège des Verts "n’aime pas être au premier rang, un peu complexé par ses origines", se murmure-t-il. S’il souhaite le pouvoir, l’élu parisien devra donc apprendre à sortir de l’ombre.