Depuis sa sortie du gouvernement en novembre dernier, Rama Yade s’était montrée peu loquace sur son expérience de secrétaire d’Etat. Aujourd’hui ambassadrice de la France à l’Unesco, elle réagit non sans virulence à l’attitude de la France face aux révoltes populaires en Tunisie et en Egypte, qu’elle juge trop molle.
Dans une tribune sous forme de pamphlet publiée dans Le Monde daté de jeudi, Rama Yade sort de sa réserve, en pointant la démission de la diplomatie française dans le dossier des droits de l’Homme.
La France a abandonné les dissidents
L’ancienne protégée de Bernard Kouchner s’en prend dans un premier temps à son mentor d’autrefois. Celui-ci, rappelle-elle, "avait choisi le 10 décembre 2008, Journée internationale des droits de l'Homme (…) pour, en une phrase, décider d'écarter les droits de l'Homme de notre politique étrangère". Bernard Kouchner avait, ce jour-là, qualifié d'"erreur" la création du secrétariat d'Etat aux droits de l'Homme.
"Fallait-il que dissidents, militants des droits de l'homme, journalistes bâillonnés, avocats emprisonnés, homosexuels lapidés, femmes victimes de viols, enfants-soldats, ONG du monde entier comprennent, ce jour-là, qu'ils ne devaient plus rien attendre de la France ?", s’indigne plus loin l’ancienne secrétaire d’Etat.
Rama Yade, la frondeuse du Quai d’Orsay
N’en déplaise au ministère des Affaires étrangères, Rama Yade dit avoir reçu des dissidents "clandestinement" et "à l’abri des gardiens de la realpolitik". "Je m'accrochais coûte que coûte à une certaine idée de la France, à cet idéal gaullien que l'immigrée que je suis avait nourrie", confie-t-elle. "J'eus le sentiment, à mon tour d'être une dissidente dans mon propre pays", analyse aussi la diplomate.
Ainsi, plaide Rama Yade, les droits de l’Homme ne doivent pas se métamorphoser en un privilège jalousement gardé par les pays occidentaux, la France en tête. "Les insurrections magnifiques de Tunis et du Caire nous prouvent que, si, les droits de l'Homme sont nécessaires à la politique étrangère d'une puissance comme la nôtre", argumente-t-elle.
"Les peuples arabes ont prouvé, s'il le fallait, que les droits de l'Homme ne sont pas faits que pour nous les Occidentaux. Et nous, nous mégotons. Brandissons la menace islamiste. Agitons le chiffon rouge du chaos", s’insurge enfin Rama Yade, qui appelle le ministère des Affaires étrangères à perpétuer l’héritage des Lumières.
Pour l’heure, le Quai d’Orsay, en proie à la polémique entourant les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie, n’a pas répliqué... Sur Europe 1 mercredi, Rama Yade expliquait à ce propos qu'il était "plus intéressant d'accompagner ce qui se passe dans les pays arabes" que de se focaliser sur "cet acharnement."