Les nouvelles cartes de France s'enchaînent et enchaînent les régions entre elles. Toutes ? Non. Les élus socialistes ont proposé une troisième version de la réforme territoriale mardi. Et dans ce dernier projet en date (qui pourrait toutefois encore évoluer), plusieurs régions se retrouvent seules : l'Île-de-France, la Bretagne, les Pays-de-la-Loire et… le Centre. Si les trois premières sont prévues inchangées depuis le début des débats, le Centre, en revanche, a été trimbalé de tout les côtés. Et pour cause : personne ne semble vouloir de cette région, qui va de l'Orléanais au Berry, en passant par la Sologne et la Touraine. Une humiliation pour les Centriens ? Pas forcément…
>> Voici la dernière carte en date, proposée à l'Assemblée :
Le Centre, ce mal aimé. Dans le projet initial du gouvernement, le Centre se voyait marié au Poitou-Charentes et au Limousin. Mais les critiques ont immédiatement fusé. "La Corrèze (Limousin) ne doit pas se retrouver dans cette région improbable et informe (...) sans identité propre", avait ainsi taclé le maire de Tulle, Bernard Combes. Après avoir interrogé une myriade d'élus, le rapporteur du texte à l'Assemblée, Carlos Da Silva, a donc plutôt proposé de rattacher le Limousin à l'Aquitaine. Et cela semble plaire aux administrés, qui ne voulaient pas du Centre non plus : selon BVA, les Limousins sont 69% à se dire favorable à la fusion avec l'Aquitaine, alors qu'ils étaient 57% à refuser le projet initial.
Le hic : la région Poitou-Charentes non plus ne semble pas vouloir du Centre. Trois présidents de conseil généraux sur quatre (Vienne, Charente, Charente-Maritime) ont réclamé une fusion avec l'Aquitaine. Une page Facebook "Pour que la Charente et la Charente-Maritime soient ralliées à l'Aquitaine" affiche également plus de 13.000 soutiens. Face à la contestation, les députés PS se sont donc accordés mardi matin sur une nouvelle carte de réforme territoriale, prévoyant un Centre seul et la fusion des régions Poitou-Charentes-Limousin-Aquitaine. Un rapprochement du Centre avec les Pays-de-la-Loire a également été envisagé. Mais il a été écarté. Et pour cause : selon Ipsos, seuls 2% des Ligériens souhaitaient une fusion avec le Centre.
La solitude ne sied pas à tout le monde… Les sept députés socialistes du Centre ont déploré mercredi que leur région soit laissée seule. "Nous rappelons que la région Centre souhaite pleinement participer aux objectifs de la réforme territoriale (rationalité, efficacité...)", ont écrit ces députés. "Nous proposerons par amendement un rapprochement avec les Pays de la Loire afin de poursuivre le long de ce grand fleuve français la dynamique économique, touristique et culturelle déjà engagée de part et d'autres", indiquent-ils encore. Selon ces parlementaires, "le cœur de France souhaite s'ouvrir et participer aux progrès économiques et sociaux de cette réforme majeure du quinquennat".
… Mais ça n'a pas l'air si grave ! Tout le monde ne contracte pas autant de regrets, du côté des élus centriens. "Il vaut mieux pas de mariage qu'un mariage forcé. On restera tout seul, ce n'est quand même pas la mort. On a beaucoup d'atouts à faire valoir. Restons confiants et optimistes", s'enthousiasme ainsi le Sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur, mercredi sur Europe1. "On s'en tire vachement bien", se réjouit également Maurice Leroy, député et président UDI du conseil général de Loir-et-Cher, contacté par L'Express.
Les habitants, eux non plus, ne semblent pas désirer une disparition de leur région. Alors que 54 % des Français sont favorables à la fusion de leur région, seuls 39 % des habitants du Centre répondent par l'affirmative, selon LH2. "La région Centre est vaste comme la Belgique et cela suffirait à légitimer un maintien en l'état afin de ne pas trop éloigner les centres de décision du cadre de vie des citoyens. Contrairement à des préjugés tenaces, la région n'est pas aussi artificielle que l'on a bien voulu dire", justifie ainsi l'historien Jean-Pierre Surrault, habitant de Châteauroux, dans une longue tribune en faveur d'un "Centre seul", à lire sur le site de la Nouvelle république.
>> La région Centre contient effectivement quelques trésors, comme ses châteaux par exemple :
Le compagnon des voyageurs vous fait découvrir Amboise sur http://t.co/Mak7T9Hl9qpic.twitter.com/5Oxsm0OaXv— Cyril LAYROLLE (@CyrilLAYROLLE) 11 Juillet 2014
Le Centre peut-il vivre seul ? La région Centre est une région dynamique. Avec 2,6 millions d'habitants, un PIB moyen par habitant d'environ 25.238 euros, le 11e de France (sur 22), une proximité avec Paris et de larges surfaces constructibles, elle a des atouts indéniables. Mais avec le dernier découpage proposé, elle serait larguée par toutes ses voisines, qui pourraient attirer d'avantage d'investisseurs. À titre de comparaison, la région Pays-de-la-Loire, qui se retrouverait également seule, a un PIB par habitant de plus de 26.000 euros, pour 3,7 millions d'habitants.
"Il sera difficile pour le Centre de subsister seul", affirme également Olivier Régis, président du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales. "De manière générale, il faudrait découper les régions en fonction des bassins économiques. Or, l'activité économique du Centre est divisée : une partie, celle vers Orléans, est liée au bassin parisien, l'autre, la Touraine, est plus proche de l'Ouest et des alentours d'Angoulême, et le sud du département devrait peut-être davantage être maillé avec le Limousin", estime cet observateur interrogé par Europe1.fr.
Un avis que ne partage pas forcément François Bonneau, l'actuel président PS de la région. "Nous avons fait vivre ensemble les départements qui sont autour de la Loire. C'est une réussite de la région Centre. Nous irons plus loin demain en renforçant nos coopérations", défend l'élu, qui se montrait pourtant favorable à un rapprochement avec l'Ouest. Et de conclure, optimiste : "Notre région Centre, au cœur de la France pivot, aura demain encore plus de dynamique inter régionale. Ce sera un développement original mais la création de cette région Centre a été, depuis le début, une très belle aventure originale".