Réforme territoriale : pas si simple pour Hollande

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Fabienne Cosnay , modifié à
DÉCRYPTAGE - Le big-bang territorial annoncé par le président comprend un certain nombre d'obstacles juridiques.

En demandant à son Premier ministre Manuel Valls "d'accélérer" sur la réforme territoriale, François Hollande a-t-il mis la charrue avant les bœufs ? Le chef de l'Etat engage dès mercredi à l'Elysée une consultation avec les dirigeants du PS et d'EELV et aura bouclé d'ici vendredi son tour d'horizon avec les 14 formations politiques conviées. Au menu des discussions, les deux mesures phares de son projet : la suppression des départements et une division par deux du nombre de régions.

Au-delà des divergences politiques, cette réforme, qui vise à simplifier le millefeuille administratif, comprend un certain nombre d'obstacles juridiques. Explications.

Suppression des départements = révision de la Constitution. S'il veut supprimer les départements, François Hollande devra obligatoirement passer par une révision de la Constitution. En l'occurrence, l'article 72 qui stipule : "Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer. "C'est gravé dans le marbre constitutionnel", explique le politologue et spécialiste de droit constitutionnel Laurent Dubois, contacté par Europe1.fr. "On peut modifier, diminuer le nombre de telle ou telle collectivité par une simple loi mais supprimer nécessite de donner un coup de gomme à l'article 72", ajoute le constitutionnaliste.

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Il y a bien une astuce mais… Il existe bien une astuce pour contourner le problème et éviter une révision de la Constitution, qui, nous le verrons plus bas, nécessite un référendum ou une majorité des 3/5es au Parlement. Mais cette astuce ne serait que de courte durée, préviennent les spécialistes. Ainsi, le gouvernement, comme Manuel Valls l'avait d'ailleurs déclaré, pourrait parler de "supprimer les conseils départementaux" et non de "supprimer les départements". Un jeu de mots qui permet d'échapper à la case révision. Mais ce tour de passe-passe finirait par être censuré par les Sages de la rue de Montpensier, selon plusieurs juristes. Vider le département de sa substance tout en le conservant dans le texte serait à un moment jugé contraire à la Constitution, d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Autre astuce, avancée mercredi matin par Europe 1, pour tenter d'échapper à la censure des Sages : laisser aux départements quelques compétences - comme l'aide sociale -, et les déléguer à un ou deux conseillers régionaux. Une façon de laisser entendre que les départements existent toujours.

Pour les régions, c'est plus simple.  Passer de 22 à 10 ou 12 régions sera en théorie plus simple. Il n'y aura pas de suppression pure et simple des régions, donc, il n'y a pas à toucher à la Constitution. Une telle réforme pourrait aboutir par une loi votée par le Sénat et l'Assemblée.

>>> Une révision de la Constitution n'est jamais simple. François Hollande pourrait s' y casser les dents.

Sénat et Assemblée à égalité. S'il veut supprimer purement et simplement les départements, François Hollande devra donc passer par une révision de la Constitution, "une véritable course d'obstacles", souligne Laurent Dubois. Un projet de loi constitutionnelle doit d'abord être adopté par les deux assemblées dans les mêmes termes. En clair, le gouvernement ne peut pas donner le dernier mot aux députés, comme c'est le cas pour une loi classique. Or, si François Hollande a encore la majorité absolue au Palais-Bourbon, la gauche pourrait perdre la majorité au Sénat, lors du renouvellement de la moitié de ses élus, en septembre. "Et s'il y a une chambre qui est bien accroché aux départements, c'est bien le Sénat !", souligne le politologue Laurent Dubois.

André Vallini, secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale 930x620

Le référendum, ça passe ou ça casse. Imaginons que François Hollande franchisse ce premier obstacle. Le plus dur reste à faire. Après le vote identique des deux chambres, toute réforme constitutionnelle nécessite soit la majorité des 3/5e des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès, soit l'organisation d'un référendum. Cette deuxième option, réclamée à cor et à cri par l'UMP, a d'ores et déjà été exclu par François Hollande, bien conscient du piège tendu par l'opposition. Invité d'Europe 1 mardi matin, André Vallini, secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, n'a pas caché sa réticence. "Le referendum, je m'en méfie toujours : depuis le Général de Gaulle en 1969, les Français répondent plus souvent à celui qui pose la question qu'à la question posée. Je dis à l'UMP qui demande un référendum que c'est peut-être la meilleure façon d'enterrer la réforme".

Réunir le Congrès, c'est toujours compliqué. Puisqu'il ne veut pas organiser un référendum sur la réforme territoriale, il ne reste qu'une seule option à François Hollande : convoquer le Parlement en Congrès à Versailles. Encore faut-il pouvoir espérer réunir une majorité des 3/5es. "Une réforme constitutionnelle nécessite forcément un consensus puisqu'il faut aller chercher les voix au-delà de sa majorité", rappelle Laurent Dubois. Or, pour le moment, l'UMP pousse François Hollande au référendum. Depuis le début de son quinquennat, le président a renoncé à plusieurs grandes réformes qui nécessitaient une révision de la Constitution - le droit de vote des étrangers aux élections municipales, une promesse du candidat Hollande, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat ou encore la modification de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, faute d'avoir la majorité requise.

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