Pour Manuel Valls, être accusé, par Jean-Luc Mélenchon notamment, de s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur Claude Guéant sur le dossier des Roms semble difficile à avaler. Le ministre de l’Intérieur, avec d’autres membres du gouvernement, a envoyé mardi soir une circulaire aux préfets pour leur donner la marche à suivre désormais dans ce dossier si sensible. S’il prône la fermeté dans l’évacuation des camps illicites, imposant là une réelle continuité avec l’action du gouvernement précédent, le document insiste aussi fortement sur l’obligation faite aux représentants de l’Etat de proposer des solutions alternatives aux personnes expulsées.
Le document a été envoyé dès dimanche soir aux préfectures, a assuré Manuel Valls lundi sur Europe 1. Il s’agissait en fait d’un avant-projet, non signé par les sept différents ministres concernés. La circulaire officielle a été dûment paraphée mardi, et les préfets ont reçu mercredi matin le document, qu’Europe 1 s’est procuré.
Faire taire les critiques
Outre le cadre qu’elle définit, cette circulaire vise aussi à faire taire les critiques venues notamment de la gauche sur l’action du gouvernement. Martine Aubry avait elle-même regretté les suites de l’évacuation d’un campement à Lille. "Nous avons demandé à ce que l'évacuation se fasse avec une réinstallation sur un autre terrain en dehors de la communauté urbaine et ça n'a pas été fait, sans doute parce qu'on était dans l'urgence", avait regretté la maire de la ville.
Les écologistes avaient aussi quelque peu grincé des dents. "Manuel Valls devrait choisir le démantèlement des centrales plutôt que le démantèlement des camps de Roms", a ainsi regretté lundi l’eurodéputé Yannick Jadot sur Public Sénat. Quant à Cécile Duflot, la ministre du Logement, elle avait appelé ses camarades écologistes à juger les actes et non les paroles. L’ex-patronne des verts est l’une des signataires de la circulaire, elle en assume donc forcément le contenu ; qui mêle donc inflexibilité et recherche de solutions.
"La situation peut imposer une action immédiate"
La fermeté d’abord. "Le respect des décisions de justice ne saurait être mis en question", prévient la circulaire. Une évacuation d’un campement illicite ordonnée par un juge devra donc impérativement avoir lieu, "au besoin avec le concours de la force publique". Mais un campement pourra aussi être évacué sans décision de justice. "Dans certains cas, la situation au regard de la sécurité des personnes, y compris d’un point de vue sanitaire, peut imposer une action immédiate", édicte la circulaire.
Avant même que les préfets aient reçu le document, un exemple est venu illustrer cette consigne. L’évacuation lundi d’un camp à Evry, le fief de Manuel Valls, n’avait en effet pas été précédée d’une décision de justice. "La situation sanitaire et de sécurité nécessitait l'évacuation à Évry", s’était justifié quelques heures plus tard le ministère de l’Intérieur sur Europe 1. "Je ne peux pas supporter, en tant que ministre de l'Intérieur, en tant que citoyen, en tant qu'homme de gauche, qu'il y ait des bidonvilles dans lesquelles des hommes vivent dans des conditions insupportables", s’était justifié le ministère de l’Intérieur sur Europe 1.
"Dès que vous aurez connaissance d’un campement…"
La circulaire impose donc une inflexibilité certaine aux préfets. Mais elle les enjoint aussi à rechercher des "solutions alternatives" aux campements illégaux, et ce en anticipant le plus possible. "Dès que vous aurez connaissance d’un campement (…), vous mobiliserez les services de l’Etat et de ses opérateurs", recommandent les ministres dans le document
Une fois le "diagnostic" établi, les préfets devront prendre des mesures en termes de scolarisation des enfants, en matière de santé aussi, avec une "vigilance particulière concernant l’accès à la vaccination et à la santé materno-infantile". Concernant les logements, la circulaire prône une relation concertée avec les acteurs du secteur. Mais, précise le texte, "préalablement à l’évacuation, le recours à l’hébergement d’urgence doit être recherché lors que cela est nécessaire. L’anticipation, encore. Enfin, la circulaire rappelle aux préfets qu’ils disposent d’un "nouveau cadre" en matière d’insertion professionnelle.
Et pour bien trancher avec la mandature précédente, la circulaire précise aux préfets que l’action sera menée "au profit de populations qui n’ont pas, naguère, bénéficié du respect républicain". Claude Guéant appréciera.