Il a longtemps hésité. Puis il s'est lancé. Jeudi, Nicolas Sarkozy s'est personnellement impliqué dans la campagne des européennes en publiant une tribune dans Le Point. Une tribune qu'il imaginait comme l'exacte opposée de celle de François Hollande dans Le Monde, le 8 mai dernier. "Si c’est pour dire 'l’Europe, c’est la paix, l’Europe, ce n’est pas satisfaisant, mais l’Europe, on n'a pas le choix'..., c'est contre-productif", a ainsi raillé un proche de Sarkozy. Europe1.fr s'est donc penché sur les deux textes, pour en repérer différences et points communs :
>> Schengen
Parce que, pour lui, "la question essentielle des flux migratoires" est un "échec sans appel", Nicolas Sarkozy veut "suspendre immédiatement Schengen I et le remplacer par un Schengen II auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration".
Face à la tentation de certains de se refermer sur eux-mêmes, le président estime, lui, que cela reviendrait "à déconstruire l'Europe. Rompre tout ou partie des engagements, déchirer les traités, rétablir les droits de douane et les guérites de la police des frontières. Se couper non pas de l'Europe, mais du monde." Mais, un peu plus loin, il appelle de ses vœux, aussi, "une Europe qui protège ses frontières, en préservant la liberté de se déplacer et le droit d'asile."
>> La montée des eurosceptiques
Sans citer le mot Front national, c'est à eux que François Hollande s'adresse : "certains veulent abandonner l'euro. La dérive de la monnaie, pensent-ils, nous rendra compétitifs sans effort. Mais la dévaluation, c'est d'abord la hausse du prix de tous les produits importés, c'est le retour de l'inflation, c'est la baisse du pouvoir d'achat des plus modestes. La fin de l'euro, c'est une austérité implacable. Croit-on que la force se construit dans l'isolement ? C'est plus qu'une illusion, c'est un piège. Celui du déclin national."
L'ancien président est plus compréhensif avec les eurosceptiques : "c'est par la volonté que nous pourrons réconcilier ceux qui veulent encore croire à l'Europe et ceux qui n'y croient plus. (…) Si l'Europe est pour nous un choix incontournable, il nous faut reconnaître, et surtout corriger, les graves erreurs qui furent commises au nom d'une pensée unique de plus en plus insupportable aux oreilles d'un nombre de Français chaque jour grandissant."
>> La paix
François Hollande en a fait son introduction : "Nous devons nous souvenir, nous Français, de ce que nous devons à l'Europe. (…) Alors répétons cette évidence fondatrice : l'Europe, c'est la paix !" Rien de bien original...
L'ancien président n'a fait guère mieux, se contentant de rafraîchir la mémoire de ses concitoyens : "dois-je rappeler qu'en Europe comme partout dans le monde, la paix n'est pas un acquis définitif. (…) Notre continent a été, de tous les endroits de la planète, le lieu où l'on s'est le plus détesté, affronté, détruit, entre-tué. Nous n'avons réussi à tourner la page de ces siècles d'affrontements que depuis la création de l'Union européenne !
>> La relation franco-allemande
On a lu et relu la tribune du chef de l'Etat. Puis on l'a relu, pour être sûr. Il ne mentionne l'Allemagne qu'une seule fois, rappelant que la renaissance de l'Europe "a été encouragée, consolidée par plusieurs générations d'hommes d'Etat qui ont su réconcilier la France et l'Allemagne".
Nicolas Sarkozy se distingue vraiment sur cette question en étant beaucoup plus prolixe. Au commencement de ces 32 lignes glorifiant la relation franco-allemande, il rappelle que "l'Allemagne n'est pas un choix, n'est pas une alternative, elle est un fait. (…) La seule chose importante est d'organiser les relations avec notre grand voisin de la façon la plus profitable pour eux et pour nous. Aussi, je plaide pour la création d'une grande zone économique franco-allemande cohérente et stable au cœur de la zone euro". Et, avant publication, il a envoyé sa tribune à sa copine Angela Merkel.
>> Le timing
François Hollande, le 6 mai dernier, n'avait pas prononcé une seule fois le mot Europe lors de son intervention télévisée sur BFMTV. la polémique n'avait pas tardé. Deux jours plus tard, il publie une longue tribune sur l'Europe, soit le 8 mai, jour anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la capitulation allemande. Symbolique.
Silencieux (ou presque) depuis sa défaite du 6 mai 2012, Nicolas Sarkozy s'adresse aux Français dans une tribune au Figaro, le 20 mars dernier, soit à trois jours des élections municipales. Il recommence donc dans le Point du jeudi 23 mai. A trois jours des élections européennes, encore. Stratégique.
COULISSES - La tribune de Sarkozy bouclée dans le plus grand secret
DANS LE TEXTE - Ce que Sarkozy veut pour l'Europe
REACTION - Valls : "Ce qu'il faut changer précisément dimanche, c'est le bilan de Nicolas Sarkozy"