Nicolas Sarkozy a prononcé dimanche à Toulouse une ode aux frontières protectrices de la civilisation et de la société françaises mais amorcé également un recentrage de son discours, à une semaine du second tour de l'élection présidentielle.
Depuis le premier tour, qui a tourné à l'avantage du socialiste François Hollande, le chef de l'Etat s'était lancé dans une chasse effrénée aux voix du Front national, au risque d'effaroucher les électeurs du centre et de la droite modérée. A Toulouse, ville de gauche, dans un hall d'exposition bondé, il a délaissé les improvisations enflammées sur l'immigration, l'insécurité ou l'assistanat, pour revenir à un discours écrit et plus policé, retransmis simultanément dans sept autres meetings, présidés notamment par le Premier ministre François Fillon et le patron de l'UMP, Jean-François Copé.
Des cautions centristes au 1er rang
Côté mise en scène, le candidat UMP a pris soin de mettre en valeur des personnalités symboles d'ouverture, assises au premier rang, dont Rama Yade, ex-ministre des Sports passée au Parti radical, ou les orateurs surprises du jour : l'ancien ministre socialiste de l'Education Claude Allègre et l'ex-secrétaire d'Etat Jean-Marie Bockel, lui aussi venu du PS et fondateur de la Gauche moderne.
"Que m'importe que parmi vous, il y ait des radicaux, des centristes, des UMP, des non inscrits, des Gauche moderne", a-t-il dit. "Pour moi, vous êtes des Français qui placez l'intérêt général au-dessus de tout (...) et c'est ensemble que nous allons construire le rassemblement immense du 6 mai." S'il n'a pas épargné François Hollande, il a fait preuve de plus de mesure que d'habitude et c'est Claude Allègre qui s'est taillé un vrai succès en brocardant son ex-camarade de parti.
"Ce n'est pas moi qui ai parlé d'un capitaine de pédalo dans la tempête mais l'image est proche de la vérité", a lancé, citant Jean-Luc Mélenchon, l'ex-ministre PS pour qui élire François Hollande, "qui n'a aucune expérience", serait "mettre un débutant à la tête de l'Etat". Claude Allègre, dont c'était le premier discours dans un meeting de Nicolas Sarkozy, a assuré garder ses convictions et délivré un brevet de démocratie au président sortant : "Ma simple présence garantit que cet homme est un démocrate total."
"Parce que nous sommes authentiquement de gauche, le 6 mai nous voterons Nicolas Sarkozy !" a lancé Jean-Marie Bockel.
Ode aux frontières
Fort de ces cautions, le président-candidat s'est lancé dans un long éloge de la nation et des frontières sous toutes leurs formes, avec des accents plus à même de séduire les électeurs des extrêmes, inquiets de la mondialisation, que ceux du centre.
"Quand on nie l'importance de la nation on ouvre la porte à la loi des communautés et des tribus", a dit le chef de l'Etat, qui a jugé "indissociables" les questions nationale et sociale. "Je ne me résignerai jamais à l'aplatissement du monde - une seule langue, une seule culture, un seul mode de vie, une seule gastronomie, un seul territoire (...) Je n'accepterai pas que nous disparaissions en tant que civilisation", a-t-il ajouté.
Il a déploré l'effacement des frontières politiques, économiques, culturelles et morales, responsable selon lui du "désordre du monde" et des crises de ces dernières années. Il a regretté que l'Europe ait "trop cédé à la religion du libre échange" et promis de ne pas laisser la France "se diluer dans la mondialisation", car sans frontière, a-t-il insisté, il n'y a ni nation, ni Etat, ni République, ni protection sociale.
"Je veux mettre les frontières au coeur de la politique parce que je veux une Europe qui protège et non une Europe qui expose", a-t-il ajouté. "Parce que je ne veux pas d'un monde où tout se vaut, où il n'y a pas de limite, plus de repères." Il a souligné que telle était la condition de l'émergence d'un "nouveau modèle français" - "Pour construire les Trente glorieuses du XXIe siècle il nous faut des frontières qui rassemblent et qui unissent." Et de promettre que la France pourrait, à ce prix, incarner "aux yeux du monde la nouvelle frontière de la civilisation du XXIe siècle".