Le 6 mai 2007, au soir de sa défaite à l’élection présidentielle, Ségolène Royal affichait paradoxalement un large sourire. "Quelque chose s'est levé qui ne s'arrêtera pas!", avait-elle lancé à ses partisans, leur promettant de les emmener vers d’autres victoires". Forte de 17 millions de voix, l’ex-ministre de l’Environnement pensait avoir gagné la légitimité de mener la gauche pendant cinq ans et de retenter sa chance, cette fois victorieusement, en 2012.
Cinq ans plus tard, après sa défaite aux législatives dimanche face au dissident socialiste Olivier Falorni dans la première circonscription de Charente-Maritime, la voilà totalement dépourvue de moyens d’exister au niveau national. Durant toutes ses années, Ségolène Royal a accumulé les déboires, et rompu le lien qu’elle était parvenue à tisser avec une grande partie de la population. Il faut dire que, sans surprise, ses "camarades" socialistes ne lui ont pas franchement simplifié la vie.
Hostilité au PS
L’hostilité des caciques du PS, palpable pendant toute la campagne présidentielle de 2007, Ségolène Royal avait pu douloureusement la mesurer lors du tristement célèbre Congrès de Reims de novembre 2008. Rarement, sinon jamais, les socialistes auront affiché autant de désamour et de désunion. Ségolène Royal, dont la motion était arrivée en tête, en sera la principale victime. Face à Martine Aubry, elle échouera à l’élection au poste de première secrétaire pour 42 voix. S’ensuivra un psychodrame sur fond d’accusations de fraude venus des deux camps. Après recomptage, la maire de Lille sera finalement déclarée gagnante pour 102 voix. Soit 50,04% contre 49,96%.
Ségolène Royal payait là sans doute son choix de la jouer solo lors de la fête de la Fraternité, donnée fin septembre 2008 au zénith de Paris. Vêtue d'une tunique et d'un jean, arpentant la scène à la manière d'un prédicateur, elle avait agacé ou fait sourire notamment en enjoignant le public à scander le mot "fraternité" à plusieurs reprises. Elle avait aussi alimenté les reproches des leaders du PS de jouer sur la fibre émotionnelle.
Défaite au sein du PS, Ségolène Royal se consacre alors pleinement à la présidence de la région Poitou-Charentes, dont elle a fait son laboratoire politique. En 2010, elle est d’ailleurs brillamment réélue à ce poste. Elle affrontait alors le ministre des Transports UMP de l’époque, Dominique Bussereau. Celui-là même qui, en guise de vengeance, a ouvertement appelé, entre les deux tours des élections législatives, à voter pour Olivier Falorni. Mais cette victorie électorale est un cache-misère. En réalité, le déclin a commencé.
Car malgré cette réélection, Ségolène Royal se fait peu à peu oublier au plan national. L’annonce de sa candidature, le 29 novembre 2010, à la primaire socialiste censée désigner un candidat du PS à la présidentielle, ne surprend certes personnes. Mais elle ne soulève pas l’enthousiasme escompté. Face aux favoris Dominique Strauss-Kahn d’abord, François Hollande ensuite, elle ne parviendra jamais à refaire son retard. Jusqu’au bout, pourtant, la candidate à la candidature semble y croire. Plus dure sera la chute.
Avec seulement 7% des voix récoltés au premier tour de scrutin, le désaveu est total. Sonnée, Ségolène Royal ne parvient pas à masquer son émotion devant les caméras.
Mais quelques jours plus tard, elle se ressaisit et appelle à votre pour son ex-compagnon, François Hollande. Armée de sa redoutable combativité, elle fait ardemment campagne, malgré sa position difficile. Là encore, elle n'est pas épargnée par le PS et pas la nouvelle compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler. Le parti oublie ainsi de la faire apparaître dans un clip du candidat Hollande. Quant à l'actuelle première dame, elle la piège en plein meeting en allant, sous l'oeil des caméras, serrer la main à une Ségolène Royal surprise d'abord, furieuse ensuite. La compagne du président portera le coup de grâce en soutenant via Twitter Olivier Falorni.
Si elle tient malgré tout, c’est que Ségolène Royal s’est trouvé un nouvel objectif, à même de lui redonner un rayonnement national : la présidence de l’Assemblée nationale. Pour ce faire, elle se porte candidate dans la première circonscription de Charente-Maritime, où elle est nommée par le PS sans passer par le vote des militants. Une erreur stratégique qu’Olivier Falorni n’aura eu de cesse d’exploiter pendant toute la campagne. Là encore, la défaite, lourde de surcroît (37% contre 63%), est dure à avaler pour Ségolène Royal. "Oui, c'est une déception cruelle que de ne pas pouvoir accéder à la présidence de l'Assemblée nationale", a-t-elle reconnu dimanche, le "regrettant profondément" et pensant qu'elle aurait pu "être très utile à cette responsabilité là".
Sauf que la présidente de Poitou-Charentes se définit d’abord par une pugnacité rare. "Je continuerai à peser sur les choix et sur la réussite de la politique nationale que mène le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et le président de la République"", a-t-elle déclaré dans la soirée. En briguant le poste de première secrétaire du PS, par exemple ? "Je n'exclus rien, je réfléchis et je veux de toutes mes forces continuer à mettre mon expérience et mon savoir-faire et mon amour de la France au service des Français", a-t-elle répondu. Au fond du gouffre, Ségolène Royal entend donc déjà rebondir au plus vite.