Près d'un Français sur trois n'exclurait pas de voter pour Marine Le Pen. A quatre mois de l'élection présidentielle, ce "30%" publié en Une de Libération lundi a fait grand bruit.
Le chiffre provient d'un sondage Viavoice pour le quotidien, qui a demandé à un panel de 2.000 personnes* si elles pouvaient voter pour Marine Le Pen si l'élection présidentielle avait lieu la semaine prochaine.
Pour arriver aux 30%, Libération a en fait ajouté les 12% de sondés qui ont répondu "probablement pas" aux 18% qui ont répondu oui à cette question.
Sans cette addition, on obtient bien 18% de vote potentiel. Un chiffre qui se situe dans la moyenne des sondages publiés depuis décembre et qui placent la candidate en troisième position, derrière Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Un sondage OpinionWay-Fiducial pour le quotidien La Croix donnait Marine Le Pen à 16% le 28 décembre. Un sondage Ifop pour le JDD.fr estimait la candidate frontiste à 20% le 16 décembre. Et dimanche, un autre sondage Ifop pour le JDD la créditait de 19%.
Une opération "magicomédiaticosondagière"
S'il n'apprend rien de nouveau en termes d'intention de vote, ce sondage Viavoice, relayé dans les revues de presse des différents médias, a fait beaucoup parler. Sur Le Lab, le blogueur Guy Birenbaum raille ce raccourci qu'il impute à une opération "magicomédiaticosondagière".
S'il ne remet pas en cause le sondage réalisé par son concurrent, Frédéric Micheau, directeur adjoint de l'institut Ifop, regrette lui aussi l'utilisation qui en est faite par le quotidien Libération. "C'est un chiffre un peu biaisé", juge-t-il.
François Miquet-Marty, directeur de l'institut Viavoice, évacue la polémique. "C'est un agrégat de données d'étude. Ce n'est pas une intention de vote". C'est-à-dire, une réponse directe à une question sur le vote (pour qui voterz-vous), à distinguer d'une réponse indirecte sur une question plus large (pourriez-vous voter pour). Il faut donc prendre ce chiffre pour ce qu'il est, c'est une mesure de l'"influence lepéniste sur les Français", considère le directeur de Viavoice.
Sarkozy de "candidat à président sortant"
La candidate frontiste effectue un véritable retour en force chez les ouvriers et les employés, deux électorats qui s'étaient tournés vers Nicolas Sarkozy en 2007.
"Nicolas Sarkozy avait réussi un coup magistral en 2007 en siphonnant les voix du milieu ouvrier au FN. Or la grande différence en 2007 et 2012, c'est que Sarkozy est passé de candidat à président sortant", décrypte le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême-droite. "Ce que Nicolas Sarkozy a gagné en 2007, il peut le reperdre en 2012", poursuit-il.
Autre tendance favorable pour Marine Le Pen, l'ouverture dont elle bénéficie chez les sympathisants UMP et PS. 39% des sympathisants UMP lui font "confiance" pour "bien exprimer les problèmes des gens", et 30% considèrent même qu'elle "propose de bonnes solutions", ce que François Miquet-Marty nomme le "décloisonnement". Et il conclut par une formule : "en 2007, on avait la droite décomplexée, en 2012 on a l'extrême-droite décomplexée".
*étude réalisée les 5 et 6 janvier par téléphone