"C'est un gag." Ainsi a réagi Jean-François Copé, au projet du gouvernement d'augmenter la TVA pour financer le soutien à la compétitivité. "François Hollande a passé sa campagne à dire qu'il n'augmenterait pas la TVA. Vraiment, il n'y a chez lui aucune solidité dans les convictions", a martelé le secrétaire général de l'UMP. Même son de cloche à gauche. Le chef de file des députés radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, a ainsi jugé "insolite" une hausse de la TVA et "à contre-pied" des promesses électorales.
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>>> Le gouvernement a-t-il vraiment désavoué ses promesses de campagne? Pas tout à fait, car la plupart de l'équipe au pouvoir a toujours su habilement entretenir le flou. Or "quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", comme le disait la grand-mère de Martine Aubry… Europe1.fr vous explique tout.
NON A LA TVA… SARKOZY
• Ce qu'en disait le gouvernement. "L'évidence, c'est que la TVA sociale, c'est nous qui l'avons supprimée, car nous la jugeons injuste et inefficace dans un moment où il fallait soutenir le pouvoir d'achat et la consommation. Dès lors que nous l'avons supprimée, nous n'allons pas la rétablir", déclarait fin septembre le patron de Bercy, Pierre Moscovici. "C'est une machine à réduire le pouvoir d'achat des plus modestes", avait également taclé Najat Vallaud-Belkacem durant la campagne. Même son de cloche à l'époque du côté de Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Michel Sapin ou encore François Hollande lui même.
Durant la campagne présidentielle, le candidat socialiste avait en effet fustigé, le 31 janvier à Brest : "il est inopportun d'augmenter la TVA de 1,6 au moment même où la croissance se ralentit. C'est précisément dans cette conjoncture difficile, avec une consommation qui faiblit, que le président sortant décide d'augmenter la TVA."
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• Ce qu'il fallait comprendre. En réalité, rare sont ceux qui parlaient ouvertement d'une hausse de la TVA de manière générale. Ils faisaient quasi tous référence à la "TVA anti-délocalisation", avancée par Nicolas Sarkozy. Le PS l'avait même rebaptisée "TVA Sarkozy", expression qu'ils ont allégrement relayée sur les plateaux télé. Pour les actuels ministres, la TVA conçue sous la précédente majorité était trop forte, et ne s'accompagnait pas de mesures assez efficaces dans un contexte de crise.
• Deux mesures différentes. La mesure avancée mardi par Jean-Marc Ayrault prévoit une hausse de TVA de 19,6% à 20% sur les biens courants hors alimentation, et de 7% à 10% sur des secteurs comme le bâtiment ou la restauration. Celle de Nicolas Sarkozy portait le taux à 21,2% pour tous les produits. La hausse concernait donc davantage de monde, d'autant que le gouvernement Ayrault a prévu de baisser de 5,5 à 5% la TVA sur les produits de première nécessité. Au total, la "TVA Sarkozy" taxait la consommation à plus de 10 milliards d'euros. La facture devrait être d'environ 7 milliards pour la "TVA Hollande". Une nuance qui suffit pour que la hausse ne soit plus "injuste", selon le gouvernement.
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Par ailleurs, l'allégement pour les entreprises n'était que de 13 milliards dans la "TVA Sarkozy". Il sera de 20 milliards sous François Hollande. Un juste montant pour créer de l'emploi selon la nouvelle équipe au pouvoir. "La mesure qu'a annoncée le Premier ministre créera plusieurs centaines de milliers d'emplois", a ainsi défendu mardi Pierre Moscovici à l'Assemblée nationale. En réalité, une récente étude du Trésor évoque, elle, la création de 88.000 postes sur deux ans, pour un transfert de charges de 20 milliards d'euros.
• Une différence de situation? François Hollande avait qualifié l'annonce de la "TVA Sarkozy" d'inopportune". Et pour cause : elle s'est faite le lendemain même d'une révision de croissance de 1% à 0,5 pour 2012. Or la TVA version Hollande n'entrera en vigueur qu'en 2014. Précisément la date à laquelle François Hollande espère un rebond de la croissance, comme il l'avait annoncé début septembre sur TF1. "Il y a effectivement un appel à la TVA, mais à partir du 1er janvier 2014, et non pas au 1er octobre 2012 comme vous l'aviez décidé", a d'ailleurs lancé mardi Jean-Marc Ayrault à l'Assemblée.
NON À LA TVA … POUR RÉDUIRE LE DÉFICIT
• Ce que disait le gouvernement. "Nous n'augmenterons jamais la TVA pour réduire le déficit", a précisément déclaré le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 23 septembre, dans un entretien à Médiapart.
• Ce qu'il fallait comprendre. Les dirigeants n'ont jamais vraiment exclu une hausse de la TVA dans l'absolu. Pour Jean-Marc Ayrault, il n'en était pas question pour financer le budget de l'Etat. Mais pour la compétitivité, c'est une toute autre affaire… "Il y aura une part de TVA", laissait-il ainsi entendre dans un entretien au Point sur le sujet, le 20 septembre. "Pour le budget 2013, c’est non. Après, toutes les options sont envisageables ", confiait aussi, le 21 septembre, un conseiller de Matignon dans Libération.
OUI... QUELQUES COUACS ET DES POSITIONS PERSONNELLES
• Le vrai couac. Reste une déclaration, que les annonces de mardi sont venues contredire. Celle d'Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, le 21 septembre sur LCI. "L’option TVA est totalement écartée, en l’état il n’y a pas de projet de l’augmenter d’ici la fin du quinquennat, les choses sont claires", affirmait-il.
• Le couac forcé. Il vient de Jean-Marc Ayrault, lors de l'émission Des paroles et des actes sur France 2. Poussé dans ses retranchements par Nathalie Kosciusko Moriset lors d'un débat, il lâche : "nous n'avons pas l'intention d'augmenter la TVA, il y a d'autres mesures." Mais là encore, difficile de dire si le Premier ministre parle de la TVA version Sarkozy ou vraiment de TVA de manière générale.
>> Faîtes vous votre propre idée en revisionnant ce moment du débat :
• Les positions personnelles. De nombreux ministres se sont prononcés contre une hausse de la TVA, sans vraiment s'avancer sur sa mise en ouvre. "Je suis assez opposé, voire même totalement opposé, à ce qu'on reprenne les vieilles recettes de la TVA, qui va frapper les ménages, déstabiliser la consommation, affaiblir l'économie ", défendait ainsi Arnaud Montebourg sur Europe1, le 7 octobre. Une position amplement partagée au sein de l'exécutif, comme chez Benoît Hamon ou encore Marisol Touraine.