Ses explications n’ont convaincu personne. Ni les téléspectateurs d'Envoyé spécial, diffusé jeudi soir sur France 2, ni même la direction du Front national. Anne-Sophie Leclere, candidate FN pour les municipales à Rethel, dans les Ardennes, a été suspendue vendredi par son parti pour avoir comparé, et assumé cette comparaison, Christiane Taubira, ministre de la Justice, à un singe.
"Je préfère la voir dans un arbre". Interrogée dans le cadre d’un reportage sur les nouveaux visages du Front national, Anne-Sophie Leclere a été confrontée à un montage qu’elle a posté sur Facebook, montrant deux photos côte-à-côte, l’une d’un bébé singe avec la mention "A 18 mois", et l’autre de Christiane Taubira avec la mention "Maintenant". "C’est une sauvage, quand on lui parle de quelque chose de grave à la télé, elle vous fait un sourire du diable", a-t-elle commenté au propos de la ministre de la Justice.
Puis, sur le montage : "ça n’a rien à voir (avec du racisme). Un singe ça reste un animal, un noir c’est un être humain. J’ai des amis qui sont noirs, c’est pas pour cela que je leur dis que c’est des singes", s’est elle maladroitement expliqué. "C’est plus par rapport à une sauvage. Pas par rapport au racisme, ou aux noirs ou aux ‘gris’ (sic) ou n’importe quoi. Je préfère la voir dans un arbre sur les branches, que de la voir comme ça au gouvernement", a-t-elle ensuite osé. La journaliste précisait tout de même que le montage avait ensuite été retiré de la page Facebook de la (future ex?) candidate, probablement à la demande du FN.
"Des paroles maladroites". Anne-Sophie Leclere a reconnu vendredi des paroles maladroites. "Je n'ai pas eu de propos racistes, même si mes commentaires à la télévision ont été maladroits", a reconnu la candidate FN, interrogée vendredi par l'AFP après avoir d'abord refusé de s'exprimer.
"Une erreur de casting". Mais le mal est fait. Et le Front national n’est pas décidé à passer l’éponge. "C’est une tête de liste sur les 713 déjà investies. Une erreur de casting, on va dire et il est évident que ses propos sont inadmissibles, inacceptables", a réagi Florian Philippot, vice-président du FN, sur Europe 1. "Donc nous avons immédiatement suspendu cette candidate, qui ne l’est donc plus, et qui va rapidement passer en conseil de discipline pour une exclusion probable. "Quand il y a une erreur de casting, ça peut arriver, eh bien il faut agir rapidement".
Déjà candidate FN en 2012. Cette erreur de casting, le Front national l'avait pourtant déjà commise. Anne-Sophie Leclere était en effet candidate aux législatives de 2012 sous l'étique FN, un parti auquel elle avait adhéré trois mois plus tôt. Cette commerçante de 33 ans, propriétaire d'un magasin d'articles de pêche dans les Ardennes, avait alors recueilli 16,76% des voix.
"Une libération de la parole raciste". "C'est très grave et très choquant", a pour sa part réagi François de Rugy, président du groupe écologiste à l'Assemblée. "Ça montre qu'il y a une forme de libération en France - avec le FN évidemment, mais sans doute pas uniquement - de la parole raciste. Là c'est du racisme pur et dur". Pour le député écologiste, "Christiane Taubira en est victime depuis le premier jour de sa nomination. Y compris la droite classique a fait parfois des allusions assez nauséabondes".
"Le vrai visage du FN". De leur côté, plusieurs associations ont également condamné avec force ce dérapage raciste. "Je suis atterré par ce que j'entends mais pas fondamentalement surpris. Elle a exprimé tout haut ce qu'au Front national, ils pensent tout bas", a réagi le président de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), Alain Jakubowicz. "On voit le vrai visage du Front national. Elle a beau être suspendue, elle représente le fond de la pensée de ce parti politique", selon lui. "Marine Le Pen essaie de nous faire croire que le Front national n'est pas un parti politique d'extrême droite, mais c'en est une fois de plus la preuve flagrante", a commenté pour sa part Aline Bail-Krémer, une des porte-parole de SOS Racisme.
Le défenseur des droits intervient. Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a écrit vendredi au procureur de la République de Paris pour dénoncer une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence.Dominique Baudis, dont l'une des missions est la lutte contre les discriminations, a agi sur la base de l'article 33 de la loi organique selon lequel, "lorsqu'il apparaît au Défenseur des droits que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d'un crime ou d'un délit, il en informe le procureur de la République". Ce dernier "informe le Défenseur des droits des suites données à ses transmissions".