Le 25 septembre 2008, quelques semaines après le début d’une crise financière sans précédent, Nicolas Sarkozy s’était rendu à Toulon pour parler économie, et annoncé des mesures pour transformer en profondeur l’économie mondiale. Trois ans après, le chef de l’Etat revient dans le Var, là encore pour parler d’économie. Mais trois ans après un discours résolument ambitieux, que reste-t-il des grandes résolutions édictées en 2008 ? Europe1.fr fait le point.
La régulation du marché. "L’idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, aucune intervention politique, était une idée folle. L’idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle", avait lancé, grave, Nicolas Sarkozy.
Trois ans plus tard, force est de constater que le changement n’est pas criant. Au contraire même, puisque la toute-puissance des marchés financiers a sauté aux yeux du monde à l’occasion de la crise de la dette dans la zone euro. Malgré les appels répétés de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, en septembre 2009 et en juin 2010 notamment, aucune mesure d’encadrement du marché financier européen ne sera adoptée, faute d’une position commune. Ce qui a déplacé le débat sur la non-existence d’une gouvernance commune de la zone euro. Un dossier encore en chantier.
Les banques mieux encadrées. "Il faut ensuite réglementer les banques pour réguler le système. Car les banques sont au cœur du système. (…) On a laissé les banques spéculer sur les marchés au lieu de faire leur métier qui est de mobiliser l’épargne au profit du développement économique et d’analyser le risque du crédit." Les banques avaient clairement été désignées comme responsables de la crise. Depuis, les choses ont bougé. Les accords de Bâle III, publiés le 16 décembre 2010 sous l’impulsion du G20 notamment, contraignent notamment les banques à posséder plus de fonds propres, afin de mieux parer à d’éventuels coups durs.
Les traders, pointés du doigt pour leur bonus, notamment après l’affaire Kerviel, ont été mis, eux, sous cure de patience. Leurs bonus ne pourront leur revenir que trois ans près la décision de leur accorder, mais seulement si, dans l’intervalle, leur banque n’a pas accusé de pertes.
La rémunération des patrons. "Je n’hésite pas à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être encadrés. Il y a eu trop d’abus, trop de scandales", avait lancé Nicolas Sarkozy au cours d’un discours aux accents parfois gauchisants. Et de menacer : "Alors ou bien les professionnels se mettent d’accord sur des pratiques acceptables, ou bien nous réglerons le problème par la loi avant la fin de l’année." C’est finalement la première option qui a été privilégiée.
Un projet de loi avait bien été lancé en 2009, mais il avait été retoqué au Sénat, car le Medef avait entretemps proposé un code d’éthique qui avait satisfait le gouvernement. Sauf que dans les faits, les distributions d’actions gratuites et les parachutes dorés, dénoncées nommément par le chef de l’Etat lors de son discours, perdurent. Et en 2010, les salaires des patrons du CAC 40 ont bondi de 24%, à 2,5 millions d’euros annuels en moyenne.
Les paradis fiscaux. "Il faudra bien aussi se poser des questions qui fâchent comme celle des paradis fiscaux." Le volontarisme de Nicolas Sarkozy sur la question ne s’est quasiment jamais démenti, sauf au cours des derniers mois, où d’autres priorités ont pris le dessus. Dès avril 2009, trois listes (blanche, grise, noire) sont délivrées par l’OCDE pour recenser les paradis fiscaux existant sur le globe. Et le 23 septembre 2009, le président de la République proclame sa victoire. "Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé", avait-il lancé lors d’une interview télévisée, diffusée sur TF1 et France 2.
C’était aller beaucoup trop vite en besogne. Car dans les faits, la transparence financière est encore très loin d’être établie. Et les banques rechignent encore très clairement à donner le nom de leurs clients dont des comptes sont domiciliés dans des paradis fiscaux.
Les agences de notation. "Enfin, il va falloir se décider à contrôler les agences de notation qui ont été défaillantes." Pour n’avoir notamment pas vu venir la crise des subprimes, très bien notées avant pourtant de s’effondrer en 2007, les agences de notation avaient été stigmatisées par Nicolas Sarkozy. Trois ans plus tard, c’est peut-être le domaine dans lequel l’échec est le plus patent. Jamais sans doute Fitch, Standard and Poor’s ou autre Moody’s n’ont eu autant d’influence sur l’économie mondiale. A tel point que la France, qui vit dans la peur de perdre son AAA, a adopté deux plans de rigueur pour contenter les agences, de l’aveu même de François Fillon.
La relance de l’économie, pas l’austérité. "Dans la situation où se trouve l’économie, je ne conduirai pas une politique d’austérité qui aggraverait la récession." Elu sur la thématique du pouvoir d’achat, Nicolas Sarkozy se refusait à envisager des plans de rigueur. Dans les mois qui suivirent, un grand emprunt et une accélération des investissements furent décidés pour relancer l’économie française, via le Fonds stratégique d’investissement (FSE). Un temps efficace, le dispositif s'est finalement retourné quand éclate la crise des dettes des Etats. Deux plans de rigueurs successifs sont venus sanctionner ce nécessaire changement de stratégie.
Pas de hausse d’impôt et de taxes. "Je n’accepterai pas des hausses des impôts et des taxes qui réduiraient le pouvoir d’achat des Français." Longtemps, Nicolas Sarkozy a tenu parole. Mais les deux plans de rigueur adoptés en 2011, comprenant notamment un relèvement de la TVA dans certain secteurs, de nouvelles taxes, ou la suppression de niches fiscales, a changé la donne. Si un effort particulier, bien qu’exceptionnel, a été porté sur les hauts revenus, tous les Français sont impacté par les nouvelles mesures d’austérité.
Réformer le système financier et monétaire mondial. "Il faut remettre à plat tout le système financier et monétaire mondial, comme on le fit à Bretton-Woods après la Seconde Guerre Mondiale". Nicolas Sarkozy attendait la présidence française du G20, de novembre 2010 à novembre 2011, pour mettre le sujet sur la table, et contester tant la prédominance du dollar que la trop grande faiblesse du yuan chinois. Mais la crise des dettes, et notamment la situation grecque, ont monopolisé les esprits. Et la refonte du système monétaire n’est encore qu’à l’état de projet embryonnaire.
Gouvernance de l’Europe. "J’appelle l’Europe à réfléchir sur sa capacité à faire face à l’urgence, à repenser ses règles, ses principes. (…) Pour tous les Européens il est entendu que la meilleure réponse à la crise devrait être européenne." Nicolas Sarkozy avait vu juste. La crise grecque a montré avec douleur les difficultés de l’Union européenne à adopter une position commune sur les réponses à apporter. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont décidé ces derniers mois d’appeler de toutes leurs forces à une gouvernance économique européenne, en allant jusqu’à proposer la modification des traités européens. Mais concrètement, pour l’heure, rien n’a été adopté.