Le débat sur le pacte budgétaire européen arrive officiellement au parlement. Mardi, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault lancera la discussion à l'Assemblée, par une déclaration, préambule au vote du traité, sur les "nouvelles perspectives européennes". Il tentera ainsi de convaincre les députés présents devant lui de l'importance du moment. Et de la nécessité de valider le pacte.
"Manquer ce rendez-vous serait prendre une responsabilité historique", a-t-il déjà prévenu dimanche lors du congrès du Parti radical de gauche (PRG) au Parc floral, à Paris. Le gouvernement a la pression, car l'enjeu politique est immense et les marges de manœuvre plus que serrées.
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QUI VA VOTER QUOI ?
À moins d'un tremblement de terre parlementaire, le pacte devrait être adopté. Mais tout l'enjeu réside dans la réponse à la question : avec quelle majorité? Car le gouvernement, bien que disposant d'une majorité absolue socialiste, pourrait avoir besoin des voix de la droite.
Chez les socialistes. Sur les 297 députés du groupe socialiste républicain et citoyen, présidé par Bruno Le Roux, entre 15 et 22, notamment appartenant à l'aile gauche, pourraient en effet voter contre ou s'abstenir. Le député Jérôme Guedj par exemple, raille "un traité Merkozie, pas un traité Hollande".
Chez les écologistes. Peu de compassion de la part des écolos envers leurs deux représentants au gouvernement (Pascal Canfin et Cécile Duflot), qui pourraient se voir fragiliser par le "non". Le Conseil fédéral d'Europe Ecologie-Les Vert s'est en effet prononcé il y a une dizaine de jours contre le traité. Et il n'y a qu'un seul député sur les 17 que compte le groupe à l'Assemblée qui devrait voter en sa faveur. Le parti refuse "la politique des petits pas [qui] est en train de séparer les populations européennes de ses pratiques", a expliqué Pascal Durand, secrétaire national de EELV.
Chez les communistes. Le groupe Front de gauche se montre peu ambigu sur le sujet. Sur les 15 membres du groupe, à peine trois ou quatre, appartenant notamment au parti des ultramarins, vont se prononcer en faveur le pacte budgétaire. "François Hollande s’était engagé à renégocier ce traité et il n’a pas obtenu de renégociation. C’est donc aux Français de trancher car la nature du pacte lui-même touche à la souveraineté nationale sur les choix budgétaires", résume Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF interrogé par le JDD.
Chez les radicaux. Les 15 députés du groupe radical démocrate et progressiste, eux, devraient, à une ou deux exceptions près, adopter le pacte "sans enthousiasme mais sans appréhension", selon Roger-Gérard Schwartzenberg, le président du groupe.
Et à droite? Dans l'opposition, le camp est moins divisé. Presque tous devraient se "ranger" derrière le mot d'ordre du gouvernement. Non pas par soutien envers François Hollande… mais envers Nicolas Sarkozy. "Ce traité nous convenait sous Nicolas Sarkozy, le même traité avec François Hollande nous convient", a résumé Christian Jacob mardi dernier lors de son point presse. Seul une dizaine de députés, du FN à la droite populaire de l'UMP, ne devraient pas ratifier le pacte.
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Au total, le pacte budgétaire devrait être adopté par l'Assemblée. Et la gauche devrait recueillir la majorité absolue (289 députés), avec quelques voix d'avance, peut-être moins d'une dizaine.
COMMENT LE GOUVERNEMENT SE MOBILISE
L'enjeu pour François Hollande. Politiquement, il est énorme. Si le traité est ratifié grâce à des voix de droite – ce qui risque d'ailleurs d'arriver au Sénat – ce serait envoyer à l'Europe un signal négatif : François Hollande gouverne la France sans majorité. "Nous voulons que ce traité soit adopté par une majorité de gauche. C'est un objectif important", a encore insisté le porte-parole du PS David Assouline, lors du point presse hebdomadaire du parti, lundi.
Une mobilisation des "nonistes" de 2005. Du coup, depuis plusieurs semaines, le premier ministre, le ministre délégué aux Affaires européennes Bernard Cazeneuve, et les ténors de la majorité multiplient les séances d'explication de texte auprès des récalcitrants de la majorité. Et ceux qui avaient voté "non" en 2005 sont en première ligne.
"Les raisons pour lesquelles j’ai voté non en 2005 sont les raisons pour lesquelles je me bats pour une réorientation européenne aujourd’hui avec le président de la République", justifie ainsi Bernard Cazeneuve, au JDD et à la majorité. Et d'expliquer que sa position de 2005 est un "outil pédagogique" pour convaincre. "On fait le boulot de persuasion et d’adhésion pour que la gauche seule vote ce texte", décrypte un conseiller du Premier ministre.
Une stratégie qui va peut-être payer, même si rien n'est encore joué. "Je suis plutôt contre le traité, mais je continue à réfléchir, confie au JDD un député de l’aile gauche du PS. Cazeneuve est le seul qui a réussi à me faire douter."
C'est que les ténors de la majorité ne jouent pas que sur la "pédagogie". Il y a quelques semaines, le président du groupe à l'Assemblée, Bruno Le Roux, assurait ainsi que sur le traité il n'y aurait "pas de liberté de vote". Un exemple de déclarations mal perçues par certains récalcitrants.
La question de confiance balayée. Devant les résistances, beaucoup auraient espéré que Jean-Marc Ayrault engage la responsabilité du gouvernement sur ce sujet, afin de rassembler une majorité unie de la gauche. En clair, il aurait dit aux députés : si vous rejetez le traité, les ministres démissionnent. Peu d'élus de gauche se seraient alors risqués à voter contre. Mais le Premier ministre ne prendra finalement pas ce risque. "Il n'y a pas d'autre vote à avoir que celui sur l'adoption du traité", répond-on simplement à Matignon.