"Moi Arrow, maire de Chauconin-Neufmontiers, même si c'est à mon détriment, j'informerai mes concitoyens". Les candidats aux élections municipales du 21 mars prochain n'échapperont pas à la question de la transparence. Sur le site participatif d'Europe1 "Moi maire", qui permet aux internautes de faire des propositions pour leur ville, le sujet revient même en boucle.
"Moi SDA, maire de Grenoble, pour plus de transparence, je publierai les comptes de la commune chaque semestre", écrit ainsi un contributeur. "Moi, Johanne Jourdain, maire de Paris-01, je rendrai visible, sur un site internet, les entrées et l'état des dépenses publiques (diagrammes, graphiques)", renchérit un autre. "Moi RémiB, maire de Dijon, je mettrai en place une véritable politique d'ouverture des données sur ma ville", peut-on lire également.
Ou encore : "Moi Christophe Haser, maire de Toulon, j'instaurerai une gestion transparente de la ville. Les données de la ville de Toulon et de l'agglomération seront rendues publiques grâce à la création d'un site Open Data. Les conseils municipaux seront retransmis et podcastés sur internet".
>> Autant de contributions qui témoignent du sentiment d'un manque de transparence des communes. Mais où en sont vraiment les villes françaises ? Des améliorations sont-elles à attendre? Enquête.
Ce que les communes sont déjà obligées de faire. En France, depuis 1978, elles sont contraintes de "mettre à disposition du public" toutes les données qui concernent la vie de la commune. Mais elles ne sont pas obligées de mettre ses données en accès libre et permanent, ni sur internet ni dans une salle de la mairie. Elles ne sont pas, non plus, tenues par la loi de communiquer des informations qui touchent à la vie privée (le profil familial ou le CV d'un élu par exemple) où à la souveraineté nationale. Pour le reste, n'importe quel citoyen, s'il veut obtenir des informations sur les délibérations des élus, le budget de la commune, les subventions aux associations, la répartition de la réserve parlementaire ou encore les marchés publics, peut écrire à la Cada, la Commission d'accès aux documents administratifs. Celle-ci a en effet autorité pour contraindre les maires à communiquer les données demandées par un citoyen.
Sur les grands sujets d'aménagements du territoire, le citoyen lambda peut également appeler à la rescousse la Commission nationale du débat public, qui peut obliger les élus à organiser un débat d'information public sur un sujet. C'est ce qui s'est passé, par exemple, en 2001, à la demande d'une association, au sujet de l'aéroport Notre-Dame-Des-Landes. Enfin, à partir de juin prochain, les élus municipaux auront également l'obligation de communiquer leurs déclarations de patrimoine, comme c'est déjà le cas pour les parlementaires et les ministres.
Encore des lacunes. Le hic : certains élus peu scrupuleux jouent avec les limites de ce système. Principale limite : le délai de réponse autorisé. Lorsque la Cada somme une commune de mettre des informations à disposition, les élus ont un mois pour répondre. "Parfois, les maires donnent une réponse le jour de la date limite. Mais on ne comprend rien à cette réponse. Il faut donc recommencer toutes les démarches", regrette ainsi Georges Buisset, membre du conseil d'administration d'Anticor, l'association de lutte contre la corruption.
En décembre 2012, Georges Buisset, également conseiller municipal de Villebon-sur-Yvette, a obtenu la condamnation d'un élu qui avait favorisé l'entreprise de son gendre dans l'attribution d'un marché public. "Mais cela a été un vrai parcours du combattant, pour enfin obtenir des documents prouvant que l'entreprise concernée n'avait même pas candidaté ! Nous avons dû envoyer trois lettres à la CADA", déplore-t-il. L'association juge qu'il y a encore, en France, 8% d'élus ainsi "corrompus", au sens où ils ne respectent pas la dizaine de critères listés dans la charte éthique de l'association.
Le salut par internet ? Nombreux sont ceux qui prônent alors l'usage d'internet pour ouvrir les données. C'est ce qu'on appelle l'Open Data. En France, Rennes fut l'une des pionnières du mouvement, en 2008, en lançant sa propre plateforme : un site internet agencé pour offrir aux internautes le plus de données possibles sur la commune. D'autres villes n'ont pas tardé à suivre, comme Bordeaux, Toulouse, La Rochelle ou Paris. Au départ, on y trouvait surtout des informations sur les transports. Mais il y a eu un tournant : 2011.
Le Département de Saône-et-Loire, dirigé par Arnaud Montebourg, crée alors une plateforme interactive, comprenant toutes sortes de données, y compris concernant les Finances publiques. "C'est la collectivité qui est allée le plus loin. Puis les autres ont suivi", reconnait ainsi l'association LiberTIC, qui recense et accompagne les collectivités sur l'Open Data. Aujourd'hui, même des petites communes, à l'instar de Brocas (800 habitants), en Aquitaine, proposent un service d'Open Data, sur leurs propres sites internet ou via ceux des Régions et Départements, ou même sur le site de l'Etat : Data.gouv.fr.
Encore loin du "tout open". Le nombre de villes jouant à fond le jeu de l'Open Data reste toutefois limité. "Absolument rien ne les oblige, pour l'heure, à publier la moindre donnée sur internet. Cela relève de l'initiative des élus", explique-t-on chez LiberTIC. Sur 36.000 communes, seule une trentaine de communes disposent de leurs propres plateformes (carte ci-dessous). Une cinquantaine (parfois les mêmes) est également référencée ou hébergée sur le site Data.gouv.fr. L'association Villes internet recense, elles, "34 communes qui sortent vraiment du lot (la liste est ici)" en termes de nombre de données mises en ligne et de lisibilité. Ne serait-ce que pour les débats des conseils municipaux, "seuls un millier de communes les enregistrent", regrette Florence Durand-Tornare, fondatrice de Villes internet. Même à La Rochelle, où la plateforme d'Open Data recense aujourd'hui le plus gros volume de données pour une commune française, seuls un tiers du potentiel de données diffusables est mis en ligne.
>> Voici la carte des communes disposant d'une plateforme d'Open Data. Plus de détails interactifs ici.
"De manière générale, les communes progressent. Il y a une vraie prise de conscience. Mais on est loin du tout 'open'", tanche-t-on ainsi chez Transparency international. "C'est très disparate selon les communes. Et parfois, tout n'apparait pas. Le montant des subventions apparait, mais pas les conditions d'attribution des marchés par exemple", explique l'association à Europe1.fr.
Le gouvernement en veut davantage. L'Open Data devrait toutefois gagner du terrain à l'avenir. La loi de décentralisation, adoptée en janvier dernier et applicable en 2015, oblige ainsi les communes de plus de 3.500 habitants à mettre en ligne des données sur leurs sites Internet ou sur le portail gouvernemental www.data.gouv.fr. Sont concernées "les données économiques, sociales, démographiques et territoriales dont les communes disposent en format électronique". Par ailleurs, le site data.gouv.fr prépare une plateforme "où il sera tellement facile de gérer son Open Data que cela jouera le rôle de pompe aspirante" à communes, selon les mots de son directeur, Henri Verdier, contacté par Europe1.fr. Suffisant ?
"Cela va dans le bon sens. Mais pourquoi se limiter aux communes de 3.500 habitants ? Et quels types de données seront vraiment concernées", s'interrogent toutefois Claire Gallon, de LiberTIC. En effet, le type de données citées par la loi reste sujet à moult interprétations. Et rien n'oblige les maires à la précision... ni à la visibilité d'ailleurs.
"Aujourd'hui, on dit que faire de la transparence, c'est publier des textes bruts. Mais toutes les grandes villes publient déjà leurs documents officiels. Or, l'ultra-majorité de ces textes est illisible, incompréhensible", déplore Florence Durand-Tornare, de Villes-internet. "Il faut varier les formes de visualisations, mettre des schémas, des vidéos, des infographies. Cela coûte de l'argent", renchérit-elle.
Justement, combien ça coûte l'Open Data ? Investir dans l'Open Data ne se fait pas sans frais. Selon la Gazette des communes, il faut entre 6 et 8 mois pour porter un projet de création de portail dédié et un budget moyen de 83.000 euros de ressources humaines. Côté technique, le budget varie de 0 à 300.000 euros en fonction du projet des communes, selon LiberTIC. "Le Mans, par exemple, s'est servie du site de la ville déjà existant et cela ne leur a rien coûté. À Toulouse, on a dépensé 20.000 euros en plus. Et en Saône-et-Loire, la plateforme référence, le budget était de 300.000 euros", détaille l'association, en contact avec les villes citées. Et pour une petite commune ? "Brocas, par exemple, n'a rien dépensé, puisqu'elle s'est servie du site de la Région", explique-t-elle.
Mais, lorsqu'on leur pose la question, le coût n'est pas l'élément majeur qui freine les maires. Une vaste étude sur la question de Serdalab, laboratoire de veille et d’études, expliquait fin 2012 que la principale préoccupation des maires était d'identifier les données à publier. "Chaque fois, il faut déterminer le degré de confidentialité ou sensibilité. Résultat : près de la moitié (47%) des élus interrogés considèrent cette mission comme problématique", écrivait alors La Gazette des communes, qui relayait l'étude. Élément toutefois encourageant : plus des deux tiers des élus se disaient prêts à se plier à l'Open Data d'ici 2015, via leurs propres site ou non.
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