Le gouvernement a rapidement réagi lundi soir après les menaces exprimées par l'agence de notation Standard & Poor's contre la zone euro, et notamment contre la France. "Standard & Poor's ne nous a pas dégradés. Elle nous a mis sous surveillance. C'est très différent", a précisé dans la foulée la ministre du budget, Valérie Pécresse, au micro d'Europe 1.
"Un appel à une gouvernance politique et économique"
La mise sous surveillance des notes européennes par S&P est "un avertissement collectif, qui concerne tous ces pays", a estimé François Fillon à l'Assemblée nationale. "On peut le juger inopportun, on peut considérer qu'il est excessif... On peut souligner à l'infini le décalage entre le mode de raisonnement, immédiat et brutal, des marchés, et celui des Etats", a poursuivi le Premier ministre. Mais selon lui, "la question n'est pas là, et au demeurant, je n'indexe pas notre intérêt national et l'intérêt de l'Europe sur le seuls experts". "L'Europe doit se réorganiser et se désendetter: c'est un fait", a lancé le chef du gouvernement.
La meilleure réponse à l'avertissement de Standard and Poor's est donc la rédaction d'un nouveau traité européen, a estimé François Fillon. "D'une certaine façon, c'est un appel à une gouvernance politique et économique plus solide, et notre réponse est sans ambiguïté : c'est l'accord franco-allemand élaboré hier par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel", a-t-il conclu.
Le reste du gouvernement multiplie depuis les interventions dans les médias, avec un leitmotiv : la situation est sous contrôle et les ministres au travail. Outre-Rhin, le gouvernement allemand est sur la même longueur d'onde. "Nous allons mettre en œuvre jeudi et vendredi les décisions que nous jugeons importantes pour la zone euro", a réagi Angela Merkel, se fixant pour objectif de "rétablir la confiance".
Bercy rassure, Baroin et Pécresse au front
"Cette appréciation n'est pas spécifique à la France. Elle concerne tous les pays de la zone euro, y compris l'Allemagne", a souligné Valérie Pécresse. "Cela veut dire que tous les pays de la zone euro ont leur destin étroitement lié", a-t-elle ajouté. "Nous allons tout faire pour garder notre triple A", a insisté la ministre du Budget.
Aux yeux du ministre de l'Economie François Baroin, "le problème n'est pas dans telle ou telle politique budgétaire". Selon lui, le problème "est un problème de confiance". François Baroin a également assuré que "les économies des Français seront protégées".
Le ministre des Affaires étrangères a pris moins de précaution que ses homologues de Bercy, estimant sur RTL que "nous savons que nous avons plus d'efforts à faire que d'autres, c'est sûr". "C'est une menace, ce n'est pas une décision, mais bien sûr qu'il faut la prendre au sérieux", a-t-il ajouté. Alain Juppé a néanmoins entrevu une lueur d'espoir dans l'accord franco-allemand. "L'accord européen est la réponse à l'une des interrogations majeures de cette agence de notation qui parlait de l'insuffisance de la gouvernance économique européenne", a-t-il affirmé.
Le PS veut réguler
Côté socialiste, le candidat François Hollande s'est montré plus offensif, diagnostiquant "un échec de la politique qui est conduite depuis 5 ans par le gouvernement". "Je ne souhaite pas qu'il y ait une dégradation de la note de la France à la fois pour les Français, parce que ça voudrait dire que nous serions obligés les uns et les autres d'emprunter à des taux plus élevés, mais aussi parce que je pense à l'après 2012", a-t-il déclaré sur France Inter.
Son directeur de campagne s'est montré plus nuancé et prône une réforme du système. "On a l'impression que dans l'économie moderne ce sont les marchés, les agences de notation qui sont le thermomètre : on lève le pouce, on abaisse le pouce...", a réagi Pierre Moscovici, directeur de campagne du candidat PS, avant de proposer de "réguler" ce secteur, avec "pourquoi pas, une agence publique européenne de notation".
Une réforme qu'Arnaud Montebourg, très critique, veut accélérer. "Il y a longtemps que ces agences de notation auraient dû être mises hors la loi", et qu'on aurait dû leur interdire "de noter, trifouiller dans les comptes publics", a-t-il estimé, rappelant leur responsabilité dans la crise des subprimes.
Une attaque politique ciblée ?
Plusieurs dirigeants des institutions européennes et monétaire ont, eux, une lecture plus géopolitique de la situation. Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a exprimé son étonnement, mardi matin sur la station de radio allemande Deutschlandfunk. "Je ne suis pas troublé, mais je suis stupéfait, vu les efforts significatifs ces derniers jours pour surmonter la crise", a-t-il dit réagi, avant de lancer : "c'est une folle exagération et (c'est) aussi injuste".
Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, s'est montré plus explicite. "Quand on regarde la façon dont Standard and Poor's argumente, on voit que la méthodologie a évolué et est maintenant plus liée à des facteurs politiques qu'aux fondamentaux économiques", a-t-il déclaré. L'un des ténors du parti CDU de la chancelière Angela Merkel, Michael Fichs, y voit lui aussi "un calcul d'ordre politique derrière cette annonce" de l'agence américaine, visant à détourner l'attention des problèmes d'endettement des Etats-Unis.
La patronne du FMI, Christine Lagarde, a fait preuve de neutralité, estimant que l'accord annoncé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sur la rigueur en matière de comptes publics est "crucial mais pas suffisant".