En apparence, la mission du bureau politique de l’UMP de mardi soir semble simple : mettre en place une direction à même de remplacer provisoirement Jean-François Copé, qui quittera la présidence du mouvement le 15 juin, et acter la date d’un congrès à l’automne. Mais depuis de nombreuses semaines, voire de nombreux mois, rien n’est simple à l’UMP. Et la réunion, qui se tiendra au siège parisien du parti, rue de Vaugirard, est en fait potentiellement explosive.
Quelle direction provisoire ? Le dernier bureau politique de l’UMP, le 27 mai dernier, avait accouché de deux décisions d’importance : la démission de Jean-François Copé et la mise en place d’un triumvirat Juppé-Fillon-Raffarin, théoriquement moralement inattaquable. Or, si l'actuel président de l’UMP quittera bien ses fonctions le 15 juin, une incertitude pèse désormais sur la nouvelle direction. Plusieurs cadres sarkozytes, dont Nadine Morano, mettent en cause la légitimité de ce triumvirat, brandissant les statuts de l’UMP. Ses règles internes précisent qu’en cas de départ du président, c’est le vice-président délégué, en l'occurrence Luc Chatel, qui assure sa présidence par intérim, jusqu'à l'élection du nouveau patron.
Cette solution est en coulisses privilégiée par les amis de Nicolas Sarkozy et de Jean-François Copé. Le triumvirat, qui serait également validé par le BP, assisterait alors Luc Chatel, qui occuperait, lui, la fonction de secrétaire général. Cette hypothèse offre l'avantage, aux yeux des sarkozystes, de laisser le temps à leur champion de s'organiser pour prendre les rênes du parti, le transformer, peut-être même lui donner un nouveau nom et changer ses statuts, selon certains proches. Il imposerait ainsi comme "naturelle" son éventuelle candidature en 2017.
Mais fillonistes et juppéistes en font un casus belli : "c'est le triumvirat qui assure l'intérim et lui seul. A charge pour lui de nommer un ou des secrétaires généraux - pourquoi pas Luc Chatel - pour assurer l'intendance, mais sous l'égide du triumvirat qui est souverain", insiste-t-on côté Fillon. "S'il n'y a pas d'accord là-dessus, tout va voler en éclat", prévient-on.
Primaires ou pas primaires avant 2017 ? Voilà bien le véritable enjeu de la bataille : le nom du candidat de l’UMP en 2017. Avec cette question préalable : le futur président de l’UMP pourra-t-il être candidat aux primaires prévues en 2016, si primaires il y a. Deux thèses s’affrontent : celle d’Alain Juppé et François Fillon d’un côté. Celle des copéistes et des sarkozystes de l’autre.
Fort de sa popularité dans les sondages qui pourrait le conduire lui aussi à la primaire, Alain Juppé demande ainsi qu'un aspirant chef de l'UMP ne puisse être candidat à la candidature présidentielle. Mais selon Brice Hortefeux, président de l'association Les amis de Nicolas Sarkozy, et qui ne s'exprime jamais sans l'aval de l'ancien président, le retour de celui-ci, via la présidence de l'UMP, est, au vu des circonstances, "une nécessité" et la primaire devient "inutile" pour désigner le candidat de 2017, "lorsqu'un choix s'impose naturellement".
Mardi, les quelque 50 membres du BP de l’UMP seront exceptionnellement accompagnés d’Edouard Balladur, membre de droit au titre d'ancien Premier ministre, qui sera présent pour apporter sa "caution morale" et donner de la "solennité" à la réunion, selon son entourage. La présidente de la Haute autorité, Anne Levade, sera également là pour "apporter un éclairage juridique au début de la réunion", selon les proches de Juppé et Fillon.
Et qur quelle ligne politique ? Conscients du danger, plusieurs cadres de l’UMP ont appelé leurs camarades à se concentrer sur l’essentiel. "L’essentiel, c’est pourquoi nous nous sommes retrouvés derrière le Front national le 25 mai dernier. C’est ça la question principale", assure à Europe 1 Benoist Apparu. "Et cette question nous renvoie à des questions que nous n’avons pas abordées depuis deux ans : quelle est la vraie ligne idéologique de l’UMP, quel est son positionnement stratégique, quelles sont ses alliances potentielles ? C’est ces questions-là qui sont les principales avant de savoir si Pierre, Paul ou Jacques se positionnent pour je ne sais quelle échéance électorale", développe l’ancien ministre du Logement.
"Calme et visibilité pour l’avenir. Voilà ce qu’on attend", renchérit Thierry Mariani. "L’écueil, ce serait de croire que les présidentielle, c’est demain. Le sujet aujourd’hui, ce n’est pas de savoir qui sera candidat aux élections présidentielles, comment vont se passer les primaires. Le sujet, c’est comment on réorganise, on redynamise l’UMP, parce que les militants depuis quelques jours sont désespérés", insiste l’ancien ministre des Transports. "Et je crois que là, on joue vraiment notre va-tout pendant les semaines à venir. Si on n’est pas capable de s’entendre de fixer une direction avant le congrès, je pense même que l’existence de l’UMP peut être remise en cause. Les militants n’accepteront pas trois mois de souk permanent, comme cela a été le cas ces derniers jours", prévient-il.
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