L'INFO. Le Canard enchaîné et Atlantico publient mercredi ce qu'ils présentent comme le verbatim d'un après-midi à l’Élysée, une séquence enregistrée par Patrick Buisson, le 27 février 2011, quelques heures avant le remaniement ministériel. Et on y apprend notamment que Nicolas Sarkozy avait des idées bien arrêtées sur la personne adéquate pour remplacer, ou ne pas remplacer, François Fillon. "Remplacer Fillon par Borloo, c’est grotesque", peut-on par exemple entendre.
Le 12 février, Le Point affirmait déjà que Patrick Buisson, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, avait capté des heures et des heures de conversations sensibles en présence de l'ancien président et de plusieurs de ses conseillers, à l'aide d'un dictaphone caché dans sa veste.
A quelques heures du remaniement. Dans le détail, le journal satirique et le site internet d'information relatent un enregistrement pris le 27 février 2011. A l'Elysée, une réunion de travail est organisée quelques heures avant le remaniement qui s'annonce. Patrick Buisson, Henri Guaino, le conseiller spécial de l'ancien président, Franck Louvrier, son conseiller en communication, mais aussi le conseiller et publicitaire Jean-Michel Goudard et le sondeur Pierre Giacometti règlent les dernières modalités du discours que va faire Nicolas Sarkozy. Un appareil enregistreur tourne et retrace le déroulé de deux heures et demi à l'Elysée, entre l'arrivée au Palais de Patrick Buisson et son retour à son domicile. Ainsi que le debrief de la réunion entre Jean-Michel Goudard et Patrick Buisson, un peu après.
Guéant et les "dossiers sensibles". Au cours de ces conversations où le dictaphone continue de tourner, Nicolas Sarkozy semble avoir une idée bien à lui au sujet du remplaçant de François Fillon. "Remplacer Fillon par Borloo, c’est grotesque. Y’a qu’une seule personne qui pourrait remplacer Fillon aujourd’hui, c’est Juppé. Je m’entends très bien avec Alain", explique l'ancien chef de l'Etat. "Même si Fillon n’est pas décevant, il est comme on le sait. Le fait qu’il disparaisse là, il va s’en prendre plein la gueule", ajoute-t-il.
Jean-Michel Goudard et Patrick Buisson échangent également sur les ministres qui vont être éjectés du gouvernement Fillon et sur les nouvelles têtes. Ainsi, au sujet de Claude Guéant qui va remplacer Brice Hortefeux à l'Intérieur, Patrick Buisson confie : "Guéant, il boit du petit lait, mais il fouette (de devenir ministre de l'Intérieur)… Il nous aura bien servi sur les dossiers sensibles (sic)".
Ces ministres "archinuls". Jean-Michel Goudard et Patrick Buisson se repassent ensuite le fil de la réunion à l'Elysée. "Comme MAM [Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Affaires étrangères, NDLR], Bachelot [Roselyne Bachelot, ministre de la Solidarité, NDLR], ou encore mon ennemi intime Darcos [Xavier Darcos, ancien ministre du Travail, NDLR]", "tu découvres à la tête de la République des ministres nuls", déclare Jean-Michel Goudard, pour qui "Bachelot" ne dit même "que des conneries". "Archinuls", lui répond Patrick Buisson.
L'avocat de Buisson confirme l'authenticité de l'enregistrement. "Je confirme qu'il s'agit d'un enregistrement authentique et que c'est bien mon client Patrick Buisson qui a procédé à cet enregistrement", a dit à Reuters Me Gilles-William Goldnadel, l'avocat de Patrick Buisson. Mais, par ailleurs, dans un communiqué transmis par Gilles-William Goldnadel à l'AFP, Patrick Buisson se défend : "En tant qu'intervenant essentiel de ces réunions" il "ne pouvait prendre des notes écrites et utilisait ces enregistrements pour préparer la réunion suivante". Ces derniers "étaient détruits au fur et à mesure sauf manifestement quelques uns qui lui ont été dérobés et dont il est fait présentement un usage extravagant et pervers", affirme-t-il. L'article du Canard enchaîné "ne change en rien la plainte déposée par Patrick Buisson contre l'hebdomadaire Le Point le 21 février", selon son communiqué.
Le "fayot" Buisson. L'hebdomadaire satirique moque également le "fayot" Patrick Buisson qui se répand en encouragements et en félicitations auprès de Nicolas Sarkozy, après avoir assisté à l'enregistrement de son allocution. "C'était très bien ! Tu avais les bonnes intonations. Tu as bien détaché les phrases importantes". Plus tard, en sortant du Palais, dans la voiture de Jean-Michel Goudard, le sulfureux conseiller de Nicolas Sarkozy explique ainsi ses encouragements à Nicolas Sarkozy. "Si on lui dit pas qu'il est bon dans ces moments-là…"