Plusieurs des 12 Bulgares et 44 Français soupçonnés d'avoir pris part à un commerce de nouveau-nés bulgares en 2004 et 2005 ont reconnu les faits en invoquant des mobiles humanitaires, au premier jour de leur procès lundi à Bobigny. "L'enfant est mieux ici en France", a dit à la barre André Scheck, 45 ans, qui a admis avoir payé 2.500 euros à des intermédiaires bulgares pour acheter un enfant. "C'est pour le sauver et pour l'aider que j'ai fait cela", a ajouté sa compagne Valentine Demestre, 44 ans, devant le tribunal correctionnel. "C'est vrai, je me suis dit 'un enfant c'est pas un objet' mais j'ai été tentée quand j'ai vu que le gosse était dans une caravane dont le toit prenait l'eau", a dit Dalida Mancera, 38 ans, qui a acheté la petite Maïa pour 3.700 euros. L'instruction a mis au jour des transactions de ce type sur 22 bébés en 2004 et 2005. Selon l'accusation, les trafiquants bulgares, des proxénètes de la communauté tzigane, organisaient l'émigration en bus vers la France de femmes enceintes, pour la plupart des prostituées. Ces enfants étaient vendus entre 3.000 et 8.000 euros à des couples français, également tziganes, recrutés dans des camps de nomades par une personnalité du milieu gitan, Henri Salva, 72 ans, qui prenait des commissions sur les transactions. Dans la plupart des cas, le "faux" père organisait seul la fraude à l'état civil en reconnaissant l'enfant. Dans d'autres, la mère biologique bulgare y participait en accouchant sous l'identité de la "fausse" mère, qui lui prêtait pour ce faire sa carte "Vitale" de sécurité sociale. Tous les enfants, sauf deux, ont été laissés par la justice à la garde des familles "acheteuses", les mères biologiques ne demandant pas pour la plupart à les revoir. Selon les rapports des services sociaux, tous sont aujourd'hui en bonne santé. Les familles françaises disent pour la plupart avoir agi ainsi car elles ne pouvaient pas avoir d'enfant et expliquent qu'il n'y a pas eu commerce mais adoption. La rencontre avec la mère "porteuse" est un "miracle", a même affirmé Martine Landauer, 31 ans, interpellée en 2004 en flagrant délit à la sortie de la maternité avec son ami Johnny Mathurin (qui détenait sur lui 5.000 euros), un couple de Bulgares et leur nouveau-né. Les écoutes téléphoniques réalisées sur les lignes du quatuor, lues à l'audience, montrent pourtant que les protagonistes, ont âprement marchandé au préalable le prix de la transaction. Sept suspects bulgares sous mandat d'arrêt seront jugés par défaut, car ils sont en fuite dans leur pays, membre de l'Union depuis le 1er janvier. Trois autres, Zapryanka Nikolova, 36 ans, Gancho Asenov, 36 ans et Tinka Georgieva, 35 ans comparaissent détenus, ainsi qu'un Français, Abdel Basset Galoul, 33 ans. Henri Salva, pivot présumé du trafic, libre après une période de prison, n'est pas venu au procès. Selon son avocat, il est hospitalisé pour des problèmes cardiaques. Les mères bulgares, renvoyées dans leur pays par les trafiquants avec quelques centaines d'euros, ne se sont pas présentées au tribunal pour témoigner. Une seule, Nikolova Hristova Guinka, 29 ans, arrêtée avec le couple Scheck-Demestre, est jugée. Elle a assuré au procès qu'elle ne voulait pas vendre sa fille, mais que son mari avait insisté.