Hrant Dink, journaliste controversé qui s'était souvent attiré la colère des nationalistes turcs, a été tué de trois balles dans la tête et le cou par un inconnu en début d'après-midi, alors qu'il sortait des bureaux d'Agos, dans le centre d'Istanbul. Le propriétaire d'un restaurant proche du journal a dit que l'agresseur, âgé d'une vingtaine d'années, portait des jeans avait crié avant de prendre la fuite: "Je tire sur le non-musulman". L'an dernier, une cour d'appel turque avait confirmé la condamnation de Hrant Dink à six mois de prison avec sursis pour un article évoquant la pureté ethnique arménienne, vierge de tout sang turc.Le tribunal avait estimé que ces propos allaient à l'encontre de l'Article 301 du code pénal turc révisé, qui autorise les poursuites d'auteurs ou d'universitaires pour insultes à l'identité turque. Ce verdict avait été vivement critiqué par l'Union européenne, à laquelle la Turquie aspire à adhérer. Le Premier ministre turc a réagi en dénonçant une attaque contre la paix et la stabilité de la Turquie. Tayyip Erdogan a déclaré lors d'une conférence de presse convoquée en toute hâte que deux hommes avaient été arrêtés dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de Dink. Les deux suspects ont ensuite été relâchés. Le ministère turc des Affaires étrangères a publié un communiqué affirmant qu'il "condamne avec force et maudit cette attaque abominable". A Paris, le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a fait part de sa "très grande émotion" et rendu hommage à "un grand défenseur des droits de l'homme (...) convaincu de l'importance du dialogue turco-arménien". Cet attentat risque de faire monter les tensions politiques en Turquie où toute la classe politique courtise les nationalistes en prévision de l'élection présidentielle de mai et des législatives qui doivent se tenir d'ici novembre. Les milieux laïcs redoutent que le parti AK au pouvoir, qui puise ses racines dans l'islam, fasse élire le Premier ministre Erdogan à la présidence. Les laïcs, en particulier l'armée, très puissante en Turquie, redoutent que, s'il est élu président, Erdogan tente de réduire la séparation entre la religion et l'Etat.