La piste. "On va vers une taxe poids-lourds qui sera différente en fonction des régions, très péninsulaires et sans autoroute", a indiqué mardi sur Europe 1 Marylise Lebranchu. La ministre de la Réforme de l'Etat, l'une des "Bretonnes" du gouvernement, a ainsi laissé entendre que la future version de l'écotaxe serait modulable. La précédente mouture, qui devait entrer en vigueur en janvier avant d'être suspendue, prévoyait de taxer les poids-lourds de 3,5 tonnes circulant sur toute route nationale non payante. Elle devait être reversée (en partie) aux collectivités locales, pour financer la rénovation de ces axes routiers. La mesure prévoyait bien des différences, mais seulement selon la taille du poids-lourd et la distance parcourue, mais pas selon les régions.
>>> Une taxe différente par région est-elle…
Possible ? Techniquement, c'est envisageable. Une fois la taxe entrée en vigueur, la France imposera en effet à tous les camions circulant sur le réseau national non payant de s'équiper d'un boîtier, une sorte de GPS, qui calculera la position et la distance parcourue. "Si les camions, étrangers ou non, jouent le jeu et s'équipent des boitiers, on pourra savoir quelles régions ils traversent et les taxer en fonction", estime auprès d'Europe1.fr Olivier Régis, du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales, organisme spécialisé dans les finances des collectivités territoriales.
Si les camions ne jouent pas le jeu, en revanche, ils ne pourront tout simplement pas rentrer sur le territoire national. Et s'ils veulent tricher, ils seront repérés par les "portiques écotaxes", ces édifices bourrés de technologie installés partout en France et capables de vérifier la présence des boitiers dans les camions. "Si les camions ne sont pas équipés, ils seront poursuivis, même à l'étranger. Le dispositif a fait ses preuves en Allemagne", assure Yves Crozet, professeur au Laboratoire d’économie des transports, à l'Université Lyon 2, contacté par Europe1.fr.
Légale ? "On peut moduler la taxe de plus ou moins 25% selon les régions. C'est encadré par une directive européenne de 2004", décrypte Yves Crozet. Ainsi, une région à fort "coefficient de périphéricité", c'est-à-dire éloignée des grands axes routiers, comme la Bretagne par exemple, pourra bénéficier d'une écotaxe de 25% moins élevée qu'ailleurs. "Si on va au-delà, une action en discrimination devant la justice européenne pourra être entamée", poursuit Yves Crozet.
Souhaitable ? Pour Olivier Régis, certaines régions ont davantage besoin d'argent que d'autres pour entretenir leurs routes. "Les régions alpines, soumises au gel, aux intempéries et aux chaînes des camions, ou encore les régions frontalières, où transitent énormément de camions étrangers, pourraient taxer davantage les poids-lourds", estime ainsi l'expert, pour qui il faut cesser de vouloir "uniformiser les taxes". "Mais il faut des critères objectifs, selon le principe du pollueur/payeur. Ce n'est pas parce que telle ou telle région est plus représentée politiquement qu'elle doit payer moins", prévient-il.
Pour Yves Crozet, la régionalisation n'est toutefois pas "le fond du problème". "Le souci, c'est que tous les gouvernements successifs ont du mal à expliquer que la gratuité du réseau routier est aberrante", estime-t-il. Régionalisation ou pas, "lorsqu'on utilise un service public, il faut payer. L'entretien annuel des routes représente entre 16 et 20 milliards de dépenses publiques", conclut-il.
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