Manuel Valls et Christiane Taubira ont effectué vendredi leur premier déplacement commun à Marseille, consacré aux zones de sécurité prioritaires. L’occasion d’afficher une image d’unité et de cohésion entre les locataires de la place Beauvau et de la place Vendôme. En réalité, les différends ne manquent pas. Comme souvent entre l'Intérieur et la Justice.
>>> Le message : "On est sur la même ligne"
Dès le début du quinquennat, Manuel Valls et Christiane Taubira ont voulu "tordre le coup" à ceux qui raillaient leur opposition. Valls, l’ailier droit du gouvernement contre Christiane Taubira, l’électron libre. Quoi de mieux qu’une photo commune pour montrer leur volonté de travailler ensemble. A la demande de Manuel Valls, le duo était arrivé ensemble, à pied, à l’Elysée, pour le premier Conseil des ministres, le 17 mai. Un bon coup de com’ puisque l’image avait retenu toute l’attention des médias.
Depuis et malgré des tensions palpables sur certains sujets (voir plus bas), les deux ministres essayent toujours d’afficher une solidarité de circonstance, évitant de s’écharper par médias interposés. "Nous n'avons pas d'autres choix que d'être sur la même ligne", assurait Manuel Valls, cet été. Opposer les deux ministères, "c'est affaiblir l'autorité", a encore averti le ministre de l’Intérieur, dans Le Point. Christiane Taubira, elle, s’évite toute langue de bois, en restant muette sur cette prétendue alliance.
>>> Pourtant, les désaccords ne manquent pas
Cet été, en pleine polémique sur le démantèlement des camps de Roms, Christiane Taubira avait laissé entendre qu’elle n’approuvait pas la politique de son collègue à l’Intérieur. Ainsi, dans Libération, elle ne se privait pas de rappeler que le sujet dépendait de l’Intérieur. Et sûrement pas de la Justice. "C'est une question pour Manuel Valls. Allez Place Beauvau. Là, on est place Vendôme". Le projet de loi antiterroriste a aussi donné lieu à des frictions. Dévoilé par l'Intérieur, le document a été interprété par la Chancellerie comme une reprise d'un texte préparé à la fin du quinquennat Sarkozy. Impensable pour Christiane Taubira qui cherche, au contraire, à détricoter les réformes de Nicolas Sarkozy.
>>> Place Beauvau vs Place Vendôme, un air de déjà vu
C’est un grand classique dans tout gouvernement, de gauche comme de droite. Le ministre de la Justice reproche toujours à son collègue de l’Intérieur de marcher sur ses plates-bandes ou de ne pas l’associer aux projets de loi. En 2010, Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, n’a eu de cesse d’intervenir dans le domaine normalement réservé à Michèle Alliot-Marie, allant même jusqu’à proposer des réformes judiciaires (aménagement de peine, rétention de surêté, création de jurés populaires) sans prendre la peine de consulter la garde des Sceaux. Sous le gouvernement Jospin, en 1999, l’ambiance entre le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement et la garde des Sceaux de l’époque, Elizabeth Guigou, était aussi électrique. Leurs approches étant diamétralement opposées sur la délinquance des mineurs.