Les comparaisons fusent après le discours pro-entreprise du Premier ministre.
Cela devait arriver, à force de déclarer sa flamme au patronat... Le discours à la gloire de l'entreprise de Manuel Valls, salué par une standing ovation à l'université d'été du Medef, mercredi, a rappelé à certains les politiques menées par d'anciens premiers ministres européens : le Britannique Tony Blair et l'Allemand Gerhard Schröder. Et la nomination au ministère de l'Economie de l'ex-banquier Emmanuel Macron, très apprécié des milieux d'affaires, semble abonder en ce sens.
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"Manuel Blair". Le discours de Valls au Medef ? "Un copié-collé du type de discours que tenait Tony Blair dans les années 1990", a ainsi lancé le député socialiste Laurent Baumel sur BFMTV. "Le nouveau gouvernement semble vouloir adopter une ligne sociale-libérale dans la tradition d'un Blair ou d'un Schröder", commente pour sa part la députée Karine Berger dans Libération. Evidemment, dans la bouche de ces tenants de l'aile gauche du PS, la comparaison ne vaut pas compliment. Mais les milieux libéraux, eux, s'en félicitent. "Manuel Blair !", s'exclame ainsi le quotidien L'Opinion en première page, jeudi.
Orientation libérale. Valls, un Blair français ? Retour en arrière. En 1994, Tony Blair prend la tête du Parti travailliste britannique, le Labour. Pendant trois ans, il va s'employer à infléchir la ligne de la gauche britannique vers une orientation plus libérale. En 1995, à la convention annuelle du patronat britannique, l'homme flatte son auditoire. "La Grande-Bretagne a besoin de personnes qui réussissent dans les affaires", clame-t-il, dénonçant les "taux de taxation dissuasifs" qui n'ont "aucun sens politique ou économique". Des propos qui font aujourd'hui écho au "j'aime l'entreprise" lancé par Manuel Valls devant le Medef.
"Une gauche moderne". "Sur le plan de la politique économique, il y a effectivement une similitude très frappante", constate Sophie Pedder*, chef du bureau à Paris de l'hebdomadaire britannique The Economist, contactée par Europe 1. "Les deux essaient d'aller vers une gauche moderne. Ils n'ont pas peur du marché, mais veulent garder le côté justice sociale". De plus, "leur marque de fabrique, c'est le pragmatisme : ils ne croient pas en une idéologie figée, mais aux résultats".
"Mais la grande différence, c'est que contrairement à Manuel Valls, Tony Blair (photo) a mené la mutation de son parti avant d'être au pouvoir", nuance toutefois la journaliste. En 1997, lorsque Blair est élu Premier ministre, le Labour est devenu le "New Labour", et son programme s'est considérablement libéralisé. A contrario, "ce que Valls fait aujourd'hui n'était pas du tout annoncé lors de la campagne de 2012", rappelle Sophie Pedder. "C'est ce qui le met en difficulté".
Les réformes Schröder. Pour soutenir les entreprises et restaurer la compétitivité française, Manuel Valls pourrait-il s'inspirer de Gerhard Schröder ? En 2003, le chancelier social-démocrate, confronté à la panne de l'économie allemande, assouplit considérablement les règles du marché du travail. Depuis, le taux de chômage en Allemagne a été divisé par deux, alors qu'il ne cesse de progresser dans l'Hexagone. Pourtant, "ces réformes ne peuvent pas être simplement copiées-collées en France", prévient Sascha Lehnartz, correspondant à Paris du quotidien conservateur allemand Die Welt, interrogé par Europe 1.
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Et le journaliste de rappeler que Schröder (photo), chancelier depuis 1998, a "pris son temps avant de faire ces réformes". Comme Manuel Valls ? En tout cas, "on ne peut pas juger sur un discours devant le Medef. Il est trop tôt pour établir une comparaison", réfute le journaliste, qui attend les actes pour juger. Même si, sur l'état d'esprit des deux hommes, Sascha Lehnartz admet une similitude : "ils ont tous les deux fait le constat que les convictions idéologiques de la gauche ne tenaient plus la route. Tout comme Tony Blair".
Mais après le discours du locataire de Matignon devant le Medef, l'ancien ministre écologiste Pascal Canfin n'a pas hésité, lui, à le comparer, non à Tony Blair, mais à Margaret Thatcher. Un autre Premier ministre britannique qui s'est fait la championne de la dérégulation dans les années 1980. Manière de dire qu'aux yeux de certains, Manuel Valls s'égare beaucoup trop sur sa droite.
*Auteur du livre Le déni français (JC Lattès, 2012)