L'INFO. "Le président vous a choisi pour que vous fassiez du Valls et, apparemment, on a plus l'impression que vous faites du Hollande". Laurent Delahousse, qui a longuement reçu Manuel Valls dimanche soir sur France 2, a donné des idées à la droite. Au lendemain de l'intervention télévisée du Premier ministre, Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand se sont en effet engouffrés dans la brèche de sa prétendue "hollandisation". A raison ?
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"Nous avons deux François Hollande à la tête de l'Etat". "J'ai trouvé que Manuel Valls s'était hollandisé. C'est dommage, c'est une inversion parce que, quand il avait été nommé, tout le monde avait dit, ça va mettre un peu de dynamisme et cela va contaminer François Hollande", a déploré NKM, numéro 2 de l'UMP, lundi sur Europe 1. Au même moment, chez nos confrères de RTL, Xavier Bertrand assurait que "François Hollande a déteint sur lui, Nous avons aujourd'hui deux François Hollande à la tête de l'Etat, on n'en avait vraiment pas besoin".
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Valls "a désormais le même ton que Hollande". Europe1.fr a sollicité un expert de la communication politique pour comprendre cette attaque symétrique de deux barons de l'UMP. Et Philippe Moreau-Chevrolet ne les contredira pas. Sur la forme d'abord, il estime que Manuel Valls "a désormais le même ton que Hollande. Il a répété des éléments de langage entendu maintes fois. Et il emploie ce ton très pédago qui est devenu une marque de fabrique du président, en détachant bien chaque syllabe. Sauf que la pédagogie, ça marche avec les enfants, or Valls s'adressait à des adultes !"
Egalement contacté par Europe1.fr, Pascal Perrineau, politologue, est plus nuancé. "Valls est pris par le dispositif institutionnel de la Ve République : le président décide et le Premier ministre exécute. Personne n'a jamais réussi à s'y soustraire ! De là à dire qu'il fait la même chose que François Hollande, non. Le ton est différent, les propos le sont aussi", assure-t-il.
Isolé, Valls veut exister. Sur le fond, l'opposition reproche au Premier ministre d'être venu à la télévision les mains vides, sans rien d'autre à proposer qu'un énième appel au rassemblement de la gauche. Comme François Hollande, en somme. Mais Manuel Valls n'avait rien à annoncer. Sa présence à la télévision ne répondait qu'à une seule logique : montrer qu'il est toujours là. Le mois de janvier étant traditionnellement phagocyté par les vœux du chef de l'Etat, il ne lui restait plus que décembre pour se rappeler aux bons souvenirs des uns et des autres. D'où ce passage sur France 2, cet apéritif avec des parlementaires la semaine dernière, et bientôt un grand discours sur l'égalité, un marqueur de gauche.
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Matignon, j'y suis, j'y reste ! Un activisme qui s'explique. Si les enquêtes d'opinion lui assurent un petit matelas de réconfort, Manuel Valls est en effet à un tournant. L'année 2015 sera cruciale, avec deux élections locales - départementales puis régionales - qui s'annoncent cataclysmiques pour la majorité, et un congrès du PS qui le sera à peine moins. La question de son maintien à Matignon est donc régulièrement posée dans les cénacles du pouvoir. Manuel Valls y a répondu avec fermeté sur France 2 : "je veux exercer pleinement cette responsabilité qui est de servir mon pays et j'irai jusqu'au bout tant que j'ai la confiance du président de la République, tant que j'ai le soutien de la majorité, tant que je peux bien sûr réformer le pays".
Une sortie musclée, que Philippe Moreau-Chevrolet assimile à un aveu de faiblesse : "il s'est un peu raccroché aux branches en employant le 'nous' et en refusant de se poser en simple exécutant de Hollande. Mais quand on est dominant, on n'a pas besoin de crier 'c'est moi le chef du gouvernement'."
Hollande le surveille de près… Affaibli par une cote de popularité abyssale, François Hollande est, assurent ses proches, requinqué par le retour de Nicolas Sarkozy et quelques bonnes nouvelles sur le front économique (euro faible, baisse du prix du baril de pétrole). Suffisamment pour préparer le coup d'après.
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Habile stratège, le chef de l'Etat sait bien la défiance qui entoure l'idée de le voir se représenter en 2017. Alors il cherche à affaiblir celui qui paraît être son rival le plus dangereux : Manuel Valls. "François Hollande a décidé de pousser en avant Macron – qui est sur la même ligne que Valls -, à qui il donne tous les moyens pour réussir. Et il s'affiche bras dessus bras dessous et tout sourire avec Martine Aubry !", rappelle notre expert de la com', avant de tirer une conclusion de la stratégie du chef de l'Etat : "que reste-t-il comme espace pour Manuel Valls ? Pas grand-chose."
"Il est venu à la télévision pour envoyer des signaux à ses camarades". Une théorie à laquelle n'adhère pas Pascal Perrineau : "On est là au cœur du hollandisme : il donne du grain à moudre à tout le monde, sur sa gauche comme sur sa droite. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il cherche à affaiblir Valls. Ce serait une erreur alors qu'il est déjà, lui, très impopulaire." Et l'erreur, pour Valls, serait de continuer à gouverner avec une majorité qui ne veut plus de lui. "Alors que se forme une majorité anti-Valls au sein du parti socialiste, il est venu à la télévision pour envoyer des signaux à ses camarades, rien de plus", décrypte Pascal Perrineau. Cliver, oui, mais pas trop. Alors il a cajolé les uns et rassuré les autres. Cela rappelle quelqu'un…