La rumeur s'est propagée comme une traînée de poudre. Jean-Louis Borloo prendrait la tête du groupe Veolia en lieu et place de l'actuel PDG Antoine Frérot, a révélé dimanche soir le site du quotidien économique Les Echos. Pourtant, il n'aura fallu que quelques heures et une belle polémique en prime, pour que cette information soit démentie par tous les protagonistes de l'affaire. Retour sur une journée en quatre actes.
Acte 1 : l'information est dévoilée. Dimanche 19 heures. Le site du quotidien économique Les Echos publie un article dans lequel il affirme que "dans le plus grand secret", Henri Proglio, ancien PDG de Veolia resté administrateur du groupe, "se prépare à demander au conseil la tête d'Antoine Frérot". Le site précise que le président d'EDF a "approché les administrateurs" avec l'appui d'Alain Minc, un des proches conseillers du président Nicolas Sarkozy. "En tête de liste des successeurs pressentis" : l'ancien ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo. Tout cela sans jamais citer de sources.
Dès lundi matin, l'information a été largement reprise par les principaux titres économiques mais aussi les quotidiens français : Proglio va demander la tête du PDG de Veolia pour le remplacer par Borloo titre La Tribune ; Antoine Frérot, le PDG de Veolia, sur la sellette pour Le Figaro ; L'Elysée et Proglio veulent offrir Veolia à Borloo écrit Libération.
Acte 2 : NKM dément, levée de boucliers dans l'opposition. Alors que Veolia refuse de commenter l'information, la ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet monte au créneau. Sans démentir, la porte-parole du candidat Sarkozy tente de minimiser ce qu'elle qualifie de "rumeurs de presse". "Je ne peux pas vous confirmer ou vous infirmer", déclare -t-elle sur iTélé. "Veolia, c'est une entreprise privée avec des administrateurs qui prendront leur décision j'en suis sûre pour le plus grand bien de l'entreprise".
Trop tard. Les réactions pleuvent de toutes parts. La cible ? Nicolas Sarkozy, soupçonné d'être aux commandes de ce parachutage. "Il faut tourner la page sur toutes ces pratiques, élire un président impartial", explique sur France Inter Marielle de Sarnez.
Quelques minutes plus tard, vers 10h, le PS évoque la marque d'un "système Sarkozy". "C'est bien le signe que ce quinquennat a commencé au Fouquet's et qu'il se termine à Kléber, au siège de Veolia. Ca suffit, ce n'est plus possible d'avoir une confiscation du pouvoir et du pouvoir financier par Nicolas Sarkozy", dénonce Manuel Valls sur France Info.
Vers midi, c'est au tour du candidat socialiste François Hollande de pointer du doigt "des arrangements ou des conciliabules, des compromis établis", lors de son déplacement en banlieue parisienne à Bonneuil-sur-Marne.
12h45. Eva Joly déplore "une confusion d'intérêts rarement vue". Dix minutes plus tard, Marine Le Pen accuse "Jean-Louis Borloo de flagrant délit de pantouflage". La candidate du Front national ne manque pas d'égratigner au passage le pensionnaire de l'Elysée. "Nicolas Sarkozy profite de ses dernières semaines de mandat pour verrouiller encore un peu plus le système, en mettant ses copains à des places stratégiques. Celui qui prétend depuis cinq jours avoir changé et pris de la carrure est toujours le Nicolas Sarkozy qui voulait nommer son fils à la tête de l'Epad", conclut-elle.
Acte 3 : Réplique de Nicolas Sarkozy. 13h23, "C'est absurde", lance le chef de l'Etat à la sortie de son QG de campagne, dans le XVe arrondissement de Paris. Le sujet est balayé d'un revers de la main. Circulez, il n'y a rien à voir.
Acte 4 : Jean-Louis Borloo sort de son silence. A 16 heures, le président du Parti radical dénonce des "supputations, manipulations, voire volonté de nuire" dans un entretien accordé à l'AFP. "Comme je l'ai toujours indiqué, mon calendrier aujourd'hui reste exclusivement politique. Je confirme d'ailleurs que je n'ai pas décidé de mettre un terme à ma carrière politique et reste concentré sur la construction d'un avenir pour la France", conclut l'ancien ministre de l'Ecologie en affirmant qu'"aucune rumeur ne (le) fera dévier".
Moins d'une heure plus tard, Henri Proglio, lui même, déplore "ces flots de rumeurs politiques" en précisant que "le conseil de Veolia est souverain" et que "l'avenir de l'entreprise mérite mieux".
Comme pour clore le chapitre, Antoine Frérot clôture le bal de démentis. "Différents articles parus aujourd'hui dans la presse française évoquent des rumeurs de changement à la tête de notre groupe. Ensemble, nous devons faire face à cette entreprise de déstabilisation", écrit Antoine Frérot, dans une lettre envoyée à l'ensemble des salariés du groupe.
Fondée ou non, cette rumeur a bel et bien coûté au titre Veolia Environnement la plus forte baisse du CAC 40 lundi avec -3,09%.