Ça devrait ferrailler dur jeudi au Sénat, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le droit de vote des étrangers. Avec d’un côté la gauche, à l’origine du projet et désormais majoritaire dans la Chambre haute, et de l’autre la droite, farouchement opposée à l’idée, et qui ne veut pas manquer l’occasion de monter sa fermeté sur ce thème, pas très éloigné de l’immigration. Preuve de l’importance que donne la majorité présidentielle au débat : c’est François Fillon lui-même qui viendra défendre le point de vue du gouvernement. Le Premier ministre sera accompagné de Michel Mercier, garde des Sceaux, et de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur.
Le PS plaide la continuité
Le texte examiné jeudi et vendredi comprend deux articles, qui prévoient d'accorder d'une part le droit de vote aux élections municipales aux étrangers non communautaires, et d'autre part leur éligibilité comme conseiller municipal. Mais ce droit ne permet pas l'élection au poste de maire ni de participer comme grand électeur aux sénatoriales. Quant à la durée de résidence nécessaire, elle devra être décidée plus tard, par une loi organique. Au 31 décembre 2010, environ 2,2 millions d'étrangers majeurs non communautaires étaient établis en France, dont 1,8 million depuis plus de 5 ans, selon le Sénat.
Pour défendre son projet, la gauche plaide la continuité. Le droit pour les étrangers non communautaires constituait la 80e des 101 propositions du programme de François Mitterrand en 1981 et n'avait pu voir le jour du fait de l'opposition du Sénat de droite. "Nous sommes cohérents et fidèles à nos engagements, le Sénat bloquait depuis plus de trente ans ce droit de vote, aujourd'hui nous sommes majoritaires", a expliqué le nouveau président du Sénat, le socialiste Jean-Pierre Bel. La majorité sénatoriale a donc repris la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 2 mai 2000, sous Lionel Jospin, et que le Sénat, à majorité de droite, avait là encore toujours refusé d'examiner.
L’UMP en concurrence avec le FN
La droite, qui sait qu’elle aura le dernier mot à l’Assemblée nationale, n’entend pas pour autant laisser le champ libre à la gauche. Depuis que Nicolas Sarkozy, qui s’y était pourtant dit favorable par le passé, a qualifié devant plusieurs milliers de maires cette proposition de "hasardeuse", les ténors de l’UMP n’ont eu de cesse de dire tout le mal qu’ils pensaient du vote des étrangers.
Les changement d'avis de Nicolas Sarkozy :
Le Premier ministre a embrayé, se disant "opposé de toutes ses forces", le 26 novembre devant des cadres du parti, au vote des étrangers qui doit, selon lui, passer par l'acquisition de la nationalité française. Au Sénat, les élus UMP vont multiplier les prises de parole dans l'hémicycle. Ils ont déposé trois motions de procédure pour dire leur opposition.
L’UMP doit faire face sur ce terrain à la concurrence du Front national, lui aussi très actif. Le parti d’extrême droite a lancé une pétition sur son site Internet et une vaste campagne de distribution d’un dépliant imprimé à 1,4 millions d’exemplaires et appuyé par 120.000 affiches. En outre, le FN manifestera jeudi devant le Sénat, en présence de Marine Le Pen.
Au Sénat, malgré l’incertitude des radicaux de gauche, le texte devrait être adopté. Mais, du moins avant l’élection présidentielle, il n’aura aucune chance de passer le filtre de l’Assemblée nationale.