L'INFO. "François Hollande a fait ce qu'il fallait faire". La sentence est signée Nicolas Sarkozy, mais l'ensemble de la classe politique et des observateurs louent la gestion des attentats de la semaine dernière par le chef de l'Etat. Présent sur place une heure seulement après la tuerie de Charlie Hebdo, en première ligne dans le pilotage des opérations de sécurité - c'est lui qui a donné le feu vert au double assaut du RAID et du GIGN - et très présent aux côtés des victimes, François Hollande s'est posé en véritable père de la Nation. Pour lui, il y aura un avant et un après.
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Une attitude qui va lui permettre de grignoter quelques points dans les enquêtes d'opinion, c'est une quasi-certitude. Mais cela va-t-il durer dans le temps ? Comment le chef de l'Etat peut-il faire perdurer le souffle d'unité du 11 janvier ?
"Ce surcroit de popularité était inévitable". Selon un sondage Odoxa, publié mardi dans Le Parisien, 79% des Français estiment que François Hollande a été à la hauteur des évènements. Et ils sont 29% à estimer qu'il est un bon président de la République. C'est peu, mais c'est huit points de plus qu'il y a un mois. "Il a très bien rempli les fonctions qui sont les siennes, donc on peut penser que cette séquence lui sera bénéfique. Mais il ne faut pas non plus s'attendre à un raz-de-marée", tempère auprès d'Europe1 Jérôme Fourquet, directeur du Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop.
"Ce surcroit de popularité était inévitable. Dans une situation aussi dramatique, tout le monde est à la recherche de l'unité. Et en France, le garant de celle-ci, c'est le chef de l'Etat", appuie le politologue Pascal Perrineau, contacté par Europe1.
Le précédent malien. Point d'emballement, donc, d'autant que "ce frémissement de popularité ne le sort pas pour autant de l'impopularité !", nuance le politologue (photo). Et le sondeur de rappeler qu'"alors que tout le monde avait salué sa décision d'intervenir militairement au Mali, sa cote de popularité avait bondi… d'un point." Si, cette fois, les circonstances sont différentes puisque c'est la France elle-même qui a été touchée, sur son sol, Jérôme Fourquet "ne s'attend pas à une hausse spectaculaire."
Le regard sur François Hollande a pourtant changé, et ce dernier le sait. "Il a tordu le cou à la rumeur disant qu'il n'avait pas la carrure d'un chef d'Etat. Il a définitivement conjuré la critique", assure Marie-Noëlle Liennemann, sénatrice socialiste et pas franchement la plus "hollandaise" de la majorité. Mais s'il veut faire fructifier sa bonne séquence, le président de la République devra faire preuve d'habileté politique. A l'image de Manuel Valls, qui a annoncé dès mardi à l'Assemblée nationale de nouvelles mesures pour lutter contre le terrorisme, François Hollande devra, dans les jours et semaines à venir, s'atteler à rassurer ses compatriotes sur la capacité de la France à les défendre face aux menaces extérieures et intérieures. Pour le sondeur, c'est le meilleur moyen, pour le chef de l'Etat, de faire fructifier son "capital sympathie".
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Comment préserver l'unité nationale ? C'est le sens des annonces présidentielles de mercredi sur le porte-avions Charles De Gaulle : compte tenu de la "situation exceptionnelle", le "rythme de réduction" des effectifs dans la Défense devait être "revu et adapté", a déclaré le chef de l'Etat, grave. Voilà pour la réponse à court-terme. S'ouvrira ensuite une seconde phase, plus délicate pour le locataire de l'Elysée.
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"Il va devoir se poser des questions de fond, sur le vivre-ensemble, la laïcité, et c'est là que l'unité nationale risque de se fissurer", prophétise le directeur de l'Ifop. "On n'a pas encore ouvert le nécessaire débat sur la gestion des services de renseignement en amont, qui connaissaient les frères Kouachi depuis des années. Cette relative popularité ne sera donc, à mon sens, que très éphémère", appuie Pascal Perrineau, pour qui François Hollande pourrait, en plus, se heurter à une certaine frange de sa majorité. "Certains écologistes n'ont pas toujours applaudi le discours sécuritaire de Manuel Valls… Et comment va réagir la gauche de la gauche ? Hollande va devoir faire avaler la pilule sécuritaire à ses alliés", s'interroge-t-il.
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Marie-Noëlle Liennemann (photo), figure des frondeurs, contactée par Europe 1, aurait tendance à rassurer Pascal Perrineau. "Cela fait bien longtemps que la gauche a fait sa mue sur le sujet de la sécurité. C'est ridicule de parler encore d'angélisme", assure-t-elle, avant de prévenir tout de même François Hollande de "ne pas tomber dans la surenchère et ne pas oublier les enjeux sociaux derrière tout cela. La réduction des déficits publics, c'est bien, mais quand je vois l'état de nos prisons, la formation de nos enseignants, le manque de moyens des associations dans les quartiers difficiles…"
Garder un œil sur Valls. Dernier écueil à éviter pour le chef de l'Etat : son… Premier ministre. Manuel Valls, toujours plus populaire que son patron, a en effet marqué des points, lui aussi, lors de cette semaine tragique pour le pays. Son discours à l'Assemblée nationale a fortement marqué les esprits. "Le retour en grâce de Manuel Valls est plus visible. Le ton qui est le sien est complètement en phase avec les attentes des Français. Et lui n'a pas à se forcer", juge Pascal Perrineau, qui conclut : "il y a un risque pour Hollande de se faire déborder par Valls."