C'est à ça qu'on reconnaît qu'un poids lourd de la politique s'approche. Aux murmures qui deviennent brouhaha, aux bruissements qui se muent en course lorsque chacun empoigne sa caméra, son micro ou son stylo pour se jeter au plus près de celui ou celle qui s'approche. Lorsque Richard Ferrand s'est présenté à l'Assemblée mardi après-midi, au lendemain de l'annonce de son départ du gouvernement, il a été immédiatement submergé par la meute de journalistes. En vain. Le désormais ex-ministre de la Cohésion des territoires est venu, a vu, n'a pas décroché un mot. L'élu du Finistère a fort à faire : il s'apprête à prendre la tête du groupe la République en marche! à l'Assemblée, comme le lui a demandé Emmanuel Macron.
"C'est lui le plus légitime". Et ce n'est pas pour déplaire aux élus REM. "On est un groupe de plus de 300, et c'est lui le plus légitime", assure Mathieu Orphelin, député du Maine-et-Loire venu récupérer sa mallette pour son premier jour. "Je ne le connaissais pas avant mais c'est quelqu'un de grand talent. Il était là tout le temps pendant la campagne." Gabriel Attal, élu des Hauts-de-Seine de 28 ans, estime aussi que c'est "une très bonne chose". "Richard Ferrand a été un interlocuteur permanent pour nous [les candidats]. On le connaît tous et il nous connaît tous."
Exfiltration. Le transfert ressemble pourtant à s'y méprendre à une exfiltration. Difficile pour le président, qui s'est fait le chantre de la moralisation politique, de garder au gouvernement celui qui fait l'objet d'une enquête préliminaire dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne, révélée par Le Canard Enchaîné. Difficile, aussi, de se séparer de ce marcheur de la première heure, qui plus est réélu dans sa circonscription du Finistère. La présidence du groupe est un bon compromis.
Récompense et responsabilité. Les députés, eux, ont bien appris les éléments de langage distillés par les proches de Richard Ferrand à répéter Salle des Quatre Colonnes devant les journalistes. Et ne parlent que de "marque de confiance" et de "promotion". "Il n'est pas député, il est chef de groupe, c'est une responsabilité très importante", insiste Gabriel Attal, qui en oublierait presque, dans le tumulte du premier jour, que Richard Ferrand n'est encore chef de rien tant qu'il n'a pas été élu par les membres du groupe. Sur ce point-là, cependant, peu de doutes à avoir. "Ce n'est pas la question de voter les yeux fermés", se défend Guillaume Vuilletet, député du Val d'Oise. "Mais c'était une décision cohérente de placer Richard Ferrand à la présidence du groupe. Il est logique que l'artisan de la victoire soit récompensé."
Goulard démissionne…La démission de Sylvie Goulard, mardi matin, n'a pas facilité la défense de Richard Ferrand. L'eurodéputée a quitté le ministère des Armées, disant vouloir "être en mesure de démontrer librement [sa] bonne foi" dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem. Une décision qui, forcément, pose la question du maintien des autres ministres MoDem, François Bayrou et Marielle de Sarnez. Mais n'épargne pas non plus le député du Finistère.
…et les élus bottent en touche. Mathieu Orphelin juge que leur départ conjoint est "une bonne décision" qui les "honore" alors que la REM amorce "un mouvement de moralisation de la vie publique". N'y a-t-il pas deux poids deux mesures, entre une ministre qui quitte un poste régalien de son propre chef pour retrouver le Parlement européen, et Richard Ferrand qui se voit proposer ce qui serait, à écouter les responsables REM, une promotion ? "Il ne faudrait pas qu'on finisse par nous faire le reproche de l'exemplarité que nous sommes aujourd'hui les seuls à porter. Que je sache, Richard Ferrand n'est pas mis en examen", répond-il. Sylvie Goulard non plus.