L’un des faits majeurs du premier tour des élections régionales dimanche reste ce taux d’abstention historique, estimé entre 66,1 et 68,6%. "C’est incontestablement une forme de sanction contre la classe politique", a estimé lundi, au micro de la matinale d’Europe 1, Jérôme Jaffré, politologue et chercheur associé au Cevipof. "C’est aussi le sentiment d’une certaine inutilité du vote", ajoute ce spécialiste de la vie politique française.
"Les électeurs de François Fillon en 2017 se sont fortement mobilisés, et les électorats qui se sont le plus démobilisés sont ceux de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon", constate notre spécialiste. Mais c’est encore pour la majorité présidentielle que la déconvenue est la plus grande : "LREM n’est jamais en position de pouvoir peser au second tour du scrutin, c’est une force qui n’existe pas dans ces élections", analyse Jérôme Jaffré.
Des résultats "très inquiétants"
Une situation qui brouille les cartes à un an de la présidentielle. "Cela fait d’Emmanuel Macron un homme seul pour aller à la présidentielle", relève le politologue. "C’est forcément quelque-chose de très inquiétant pour un candidat. Où sont les soutiens ? Où sont les forces ?", interroge-t-il. "Il espérait capter une partie de la droite en l'obligeant à des fusions au second tour, mais elle n’en n'aura pas besoin, sauf peut-être en région Centre", pointe-t-il, tout en soulignant "des résultats humiliants", notamment dans les Hauts-de-France "où l’on a envoyé cinq ministres". Selon Jérôme Jaffré, cela enferme le chef de l’Etat dans un "face-à-face direct avec les Français".
Marine Le Pen lâchée par la frange contestataire de son électorat ?
La situation est toute aussi inquiétante pour Marine Le Pen. "Elle vivait cette élection régionale comme une marche vers le pouvoir. C’est l’appel qu’elle a lancé aux électeurs, maintenant elle leur reproche de ne pas être allé voter, mais ça veut dire qu’elle ne les a pas suffisamment mobilisés", observe Jérôme Jaffré. "Ne s’est-elle pas laissée porter par une certaine douceur, un regard médiatique plus aimable ?", questionne encore le politologue. Il relève ainsi le paradoxe de la stratégie d’apaisement menée par la fille de Jean-Marie Le Pen, alors qu’une partie de son électorat "est portée par un vote de contestation du système et des candidats". "Marine Le Pen est dans un entre-deux, ce qui la met en difficulté", conclut Jérôme Jaffré.