L'après-midi fut longue et agitée à l'Assemblée nationale. Les députés se sont penchés, pendant plus de quatre heures, sur deux motions de censure émanant l'une des Républicains, l'autre des socialistes associés aux communistes et aux insoumis, et qui faisaient suite à l'affaire Benalla. Si aucun des deux textes n'a eu de vote favorable, ce qui est logique au vu des rapports de force dans l'hémicycle, la journée fut riche en rebondissements.
"Barbouze", "godillots", "grands airs" : la violence de l'opposition
C'était à attendre, mais ce fut particulièrement virulent. L'opposition, appelée à la tribune pour défendre les deux motions de censure, a tiré à boulets rouges sur la majorité. Christian Jacob, chef de file des députés LR, s'en est pris à une majorité de "godillots", a pilonné Edouard Philippe et "ses grands airs", dénonçant l'emploi de "barbouzes" à l'Élysée. "Vous êtes des digéreurs, intestins silencieux de la bouche élyséenne", a quant à lui lancé le communiste André Chassaigne à l'attention des parlementaires LREM.
La réponse en deux temps d'Edouard Philippe
Le Premier ministre était présent, comme le veut le règlement, pour répondre à l'opposition. Il l'a fait sur deux plans : d'abord en exaltant le fait que l'affaire Benalla relève, en réalité, d'un dérapage strictement personnel, ensuite monté en épingle par l'opposition. "C'est inacceptable, je l'ai dit, mais ce qui devait être fait l'a été", a tranché Edouard Philippe, fustigeant une "instrumentalisation politique" visant à "atteindre le chef de l'État".
#MotionDeCensure : "Je vous le dis avec calme et détermination (…) nous ne ralentirons pas ! Nous ne lâcherons rien ! Nous irons jusqu'au bout de notre projet !", répond @EPhilippePM.
— LCP (@LCP) 31 juillet 2018
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Ensuite, le chef du gouvernement a élargi le propos pour, plus globalement, défendre la politique gouvernementale. En dépit des "hors sujet !" lancés par l'opposition, Edouard Philippe a défendu une à une toutes les réformes de la première année du quinquennat, avant d'esquisser les chantiers à venir.
L'occasion de parler de politique gouvernementale
Le Premier ministre n'est d'ailleurs pas le seul à avoir employé ce procédé. Dans l'opposition aussi, certains ont profité du débat pour revenir sur des désaccords politiques sans grand rapport. André Chassaigne a ainsi pilonné la politique économique mise en œuvre par l'exécutif, des "cadeaux aux premiers de cordée" à la hausse de CSG pour les retraités, en passant par les ordonnances visant à réformer le droit du travail.
Mais c'est surtout la réforme constitutionnelle qui a été appelée à la rescousse dans le débat. Pour beaucoup, et pas seulement dans l'opposition, l'affaire Benalla illustre la nécessité de rééquilibrer ce texte. Jean-Luc Mélenchon a demandé à la soumettre au référendum, tout comme André Chassaigne. Christian Jacob a plaidé pour "un parlement fort et respecté", ce qui n'est pas au menu du texte selon lui. Au MoDem et chez Agir, plusieurs élus ont demandé à l'exécutif des modifications substantielles.
Des alliances de circonstance
L'examen des motions de censure a permis de mettre en lumière des convergences rares dans l'hémicycle. Il n'est en effet pas courant de voir Christian Jacob applaudir Jean-Luc Mélenchon, ou Stéphane Peu (GDR, communiste) annoncer qu'il soutiendra un texte émanant des Républicains. Du côté des oppositions ainsi rassemblées, on a bien sûr argué que le jeu et la gravité des événements en valaient la chandelle.
Mais la majorité, elle, a fustigé les "improbables et si incompréhensibles alliances" de partis qui "ont abandonné leur sens de l'Histoire et de leurs propres responsabilités", selon Marc Fesneau, chef du groupe MoDem. "Ces deux motions de censure qui nous préoccupent ont quelque chose de rance, de marécageux, aux antipodes du débat d'idées. Elles sont le symbole de manœuvres politiciennes qui ne trompent plus grand monde", s'est quant à lui énervé Richard Ferrand.
Les deux motions rejetées
Cela ne faisait aucun compte, l'arithmétique n'étant pas du tout en faveur des dépositaires : aucune des deux motions n'a été adoptée, malgré les alliances. La première, déposée par LR, a recueilli 143 voix grâce au vote conjoint de la droite, du Rassemblement national, du groupe GDR et des Insoumis. Insuffisant pour passer le seuil symbolique de la majorité absolue, à 289 suffrages.
Quant à la seconde, déposée par la France Insoumise, le groupe GDR et les socialistes, elle était également soutenue par le Rassemblement national. En vain. Elle a recueilli 74 voix.