Edouard Philippe n'a guère apprécié le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla. Le Premier ministre, "déçu", a qualifié de "très politiques" les conclusions rendues par les élus de la chambre haute. Ces derniers formulent notamment une série de propositions pour mettre fin aux "dysfonctionnements majeurs" observés dans les plus hautes sphères du pouvoir. "Traditionnellement, la séparation des pouvoirs fait qu'il n'appartient pas ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat de se prononcer sur l'organisation interne de la présidence de la République", a encore tenu à rappeler jeudi le chef du gouvernement, lors d'une prise de parole inattendue sur le perron de Matignon.
"L'Elysée et le gouvernement se sont enferrés depuis le départ dans le déni et le mensonge et, aujourd'hui, voudraient aller à la crise institutionnelle", lui répond, au micro de Wendy Bouchard dans Le Tour de la question sur Europe 1, François Grosdidier sénateur LR de la Moselle et membre de la commission d'enquête.
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Un pouvoir de contrôle. "Le Parlement est dans sa fonction de contrôle de l'exécutif. Nous sommes la seule démocratie au monde où l'on semble contester le pouvoir du Parlement de contrôle de l'exécutif", s'offusque-t-il. "Notre intention n'était pas de mettre l'Elysée en difficulté, mais de faire notre boulot de contrôle de l'action du gouvernement de façon très objective", assure François Grosdidier. "Quand nous saisissons la justice, ce n'est pas pour mettre en difficulté les collaborateurs du président de la République."
Alors que plusieurs responsables politiques ont pu reprocher au Sénat de sortir du rôle que lui attribue la Constitution, François Grosdidier estime au contraire que ses membres ont pris la pleine mesure des pouvoirs qui leur sont attribués. "On ne se les est pas arrogés, mais peut être les exerce-t-on pour la première fois dans la République française", relève-t-il. "Dans toute grande démocratie, qui sont des démocraties parlementaires, le Parlement exerce réellement une mission de contrôle à côté du vote des lois, et en France ça n'était pas dans la pratique".
De révélation en révélation. L'affaire a pris des proportions qui étaient largement insoupçonnées au moment de son déclenchement, en juillet, suite à un article du Monde identifiant Alexandre Benalla sur une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux après la manifestation du 1er mai. "Il n'y a pas une affaire Benalla, il y a une affaire de la Contrescarpe et du Jardin des Plantes, il y a une affaire de port d'arme irrégulier, il y a une affaire de contrats russes, une affaire de passeports diplomatiques, une affaire de chargé de mission dans le bon fonctionnement de la sécurité présidentielle, et c'est précisément cette affaire-là, à laquelle les autres sont liées, qui aura été au cœur de notre mandat", a énuméré jeudi Philippe Bas, le président de la commission d'enquête du Sénat .
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"On s'apprêtait à recommander que la protection du président soit bien confiée aux forces publiques de sécurité, et ça s'arrêtait à peu près à cela", rappelle François Grosdidier. "Et puis, tout d'un coup, apparaissent d'autres choses. On part d'un petit dysfonctionnement de l'Etat, et curieusement, devant nous, on construit un mensonge d'Etat. Et puis l'affaire des passeports, de la diplomatie parallèle, des contrats russes, deviennent de gros dysfonctionnements".