Alain Ferrandi et Pierre Alessandri avaient été condamnés avec Yvan Colonna pour l'assassinat du préfet Claude Érignac. La décision du Premier ministre doit "apaiser" les tensions qui enflamment l'île de Beauté, neuf jours après l'agression de Colonna.
Jean Castex a levé ce vendredi le statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, membres du commando Érignac, "dans un esprit d'apaisement" après l'agression d'Yvan Colonna qui a suscité une série de manifestations en Corse, a annoncé Matignon. Ce statut empêchait leur rapprochement vers une prison corse.
Cette décision, qui s'applique "sans délai", ouvre donc la voie à un rapprochement en Corse des deux détenus, une vieille revendication devenue un point de crispation politique majeur dans l'île. Le Premier ministre avait déjà tenté de faire retomber la tension mardi soir en levant, "pour des raisons humaines" assure-t-il, le statut DPS d'Yvan Colonna , condamné à la perpétuité lui aussi pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Érignac en 1998.
Une jeunesse corse toujours active après plusieurs jours de tensions
Neuf jours après l'agression en prison d'Yvan Colonna, toujours dans le coma, les rassemblements se sont multipliés en Corse. Le geste de Jean Castex a été jugé par certains comme une provocation et a fait monté la fièvre entre la jeunesse corse et les forces de l'ordre, notamment lors d'une nuit d'émeutes mercredi soir. Mais pour Gilles Simeoni, le président de l'exécutif corse, c'est une première victoire.
"C'est un premier geste important qui était très attendu, donc c'est un premier pas significatif, mais dont il faut quand même rappeler qu'il n'est que l'application du droit. A l'évidence, les manifestations ont joué un rôle. Il y a eu la mobilisation démocratique. Il y a eu le soutien de parlementaires, la colère exprimée par la rue. Cela a conduit au résultat d'aujourd'hui. On peut regretter qu'il ait fallu autant de temps pour appliquer le droit", assure-t-il au micro d'Europe 1.
Malgré ce premier pas de l'exécutif, la jeunesse corse reste très active. Le lycée Fesch était pour exemple toujours bloqué ce vendredi matin. "Cela peut certes contribuer à l'apaisement de la situation en Corse, qui est explosive depuis plusieurs jours. Maintenant, il ne faut pas lever la garde et il faut encore montrer au gouvernement que l'on veut encore des avancées politiques majeurs pour notre île. Cela peut aussi nous aider à aller chercher d'autres revendications", explique un de ces jeunes corses.
Condamnation ferme des violences dans le palais de justice d'Ajaccio
Dans ce contexte, Jean Castex a dit "condamner fermement" les violences, qui ont vu notamment le palais de justice d'Ajaccio pris pour cible mercredi soir, "de même que les propos totalement déplacés accusant l'État d'avoir prêté intentionnellement la main à l'agression très grave dont Yvan Colonna a été victime".
"Les conditions dans lesquelles cet acte inacceptable a pu intervenir dans un établissement pénitentiaire doivent être élucidées de manière rapide et transparente", a encore plaidé le Premier ministre, en rappelant avoir diligenté une enquête de l'Inspection générale de la justice.
"Ouvrir un nouveau cycle politique en Corse"
Le Premier ministre "a proposé qu'une fois le calme revenu sur l'île, le dialogue engagé ces derniers mois sur l'évolution du statut de la collectivité de Corse, ainsi que sur les grands dossiers économiques et sociaux du territoire puissent reprendre". C'est pourquoi l'appel à manifester à Bastia ce dimanche à 15 heures est maintenu et les militants espèrent maintenant être rejoints par l'ensemble de la population corse, bien au-delà des cercles nationalistes.
Le gouvernement joue donc la carte de l’apaisement, mais il se montre aussi très prudent. Sa communication est minimaliste malgré le fait que le dossier soit traité en haut lieu. Après le départ au Conseil constitutionnel de la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault, le volet "Corse", a été directement repris par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
Si Jean Castex donnait satisfaction sur ces points, "le soufflet de la colère populaire ne pourrait que retomber un petit peu voire beaucoup", avait assuré jeudi à l'AFP le politologue Thierry Dominici, spécialiste des mouvements nationalistes.