François Fillon toujours dans la tourmente. Vingt mois après les premières révélations sur les rémunérations touchées par sa femme, l’étau se resserre autour du candidat malheureux à la présidentielle, soupçonné d’avoir mis en place un vaste système d’emplois fictifs à la faveur de celle-ci. Auditionné le 7 septembre, François Fillon a été questionné par le juge Serge Tournaire sur les derniers éléments apportés au dossier. D’après Le Journal du Dimanche, qui a eu accès aux procès-verbaux, l’ensemble des indices et témoignages réunis ébranle sérieusement sa défense et pourrait bien motiver sa comparution en correctionnelle.
Au cours de l’année écoulée, les magistrats se sont notamment penchés sur l’entourage sarthois et parisien du couple, cherchant à réunir des éléments susceptibles d’éclairer le rôle d’assistante parlementaire occupé entre 1981 et 2016 par Penelope Fillon, et pour lequel elle aurait touché au total plus de 830.000 euros, selon Le Canard enchaîné. "On se demandait ce que les magistrats et les policiers faisaient depuis vingt mois, certains disaient qu’il ne se passait plus grand-chose dans cette enquête, en réalité beaucoup d’actes ont été effectués : des perquisitions et des interrogatoires de témoins", a expliqué dimanche au micro de Bernard Poirette sur Europe 1 Hervé Gattegno, le directeur de la rédaction du JDD.
Un rôle qui reste flou. Devant le juge, François Fillon ne s’est pas écarté de la ligne de défense déjà adoptée pendant sa campagne présidentielle, lourdement handicapée par cette affaire, assurant que si son épouse avait une fonction essentielle auprès de lui - alors qu’elle reste absente d’un organigramme détaillé saisi dans son bureau à l’Assemblée nationale -, sa participation au sein des équipes de travail était "pour l’essentiel oral[e]". "Depuis le début de l’enquête, il y a un vrai sujet, qui est la difficulté de la justice à comprendre le fonctionnement des équipes politiques autour des parlementaires", a défendu l’ancien député de la Sarthe.
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Penelope Fillon aurait été chargée de lui faire remonter "les opinions, les critiques, les jugements des habitants de [s]a circonscription, de [lui] fournir des éléments pour [s]es discours locaux, de [lui] faire des analyses de presse, de [l]e représenter quand [il] ne pouvai[t] pas être présent dans des manifestations, et de recevoir les nombreuses personnes qui souhaitaient [l]e rencontrer à [s]on domicile", a-t-il détaillé. Un rôle dense en apparence mais dont la véracité, à ce stade, n’est étayée que par de très rares témoignages, et pour lequel en tout cas il n'existe aucune trace écrite, à en croire Le JDD.
Une note équivoque. "Elle n’a jamais voulu se mettre en avant", a commenté l’ancien chef de gouvernement de Nicolas Sarkozy, insistant sur la "discrétion" de sa femme, au point que "très peu" de personnes dans leur entourage connaissait son rôle. Par ailleurs, si François Fillon n’a cessé de répéter qu’il ne conservait aucune archive, les enquêteurs ont toutefois réussi à dénicher une trentaine de cartons liés à ses activités de parlementaire, mais rien à l’intérieur en rapport avec les tâches qui, selon lui, incombaient à son épouse.
La justice a également mis la main sur une note vraisemblablement rédigée par la secrétaire de François Fillon, dans la foulée des premières révélations du Canard enchaîné en janvier 2017. Intitulé "Pour Penny", ce texte énumère à la première personne l’ensemble des postes que l’épouse de l’ex-Premier ministre est supposée avoir occupé. "Juin 1997. Je commence à travailler en étant rémunérée par François, jusque-là c’était de façon informelle", cite notamment Le JDD. Devant les juges, Penelope Fillon aurait déclaré le 6 septembre ne pas se souvenir de ce mémorandum. "[Ces] notes semblent avoir été préparées pour étayer la défense de Penelope Fillon, confrontée aux premières découvertes de l’enquête", explicite Hervé Gattegno auprès d’Europe 1. "L’ensemble donne un sentiment d’aggravation des charges qui ont surgi pendant la présidentielle", conclut-il.
Un temps plein transformé en temps partiel
Les enquêteurs se sont également penchés sur les prestations de Penelope Fillon comme conseillère littéraire auprès de la Revue des deux mondes, propriété du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, l’un des principaux soutiens de François Fillon. Si la femme de l’ex-Premier ministre a avoué ne s’être jamais rendue dans les locaux, ni avoir rencontré les dirigeants de la publication, elle aurait toutefois produit une douzaine de fiches de lecture - dont la plupart n’ont pas été publiées -, pour un montant de 3.900 euros net mensuel, perçus de mai 2012 à novembre 2013.
Déclaré auprès de l’Assemblée nationale, cet emploi est alors décrit comme un temps partiel de "quatorze heures" par semaine, alors même que le contrat de travail stipule qu’il s’agit d’un temps plein. Cette omission aurait permis à Penelope Fillon de cumuler deux rémunérations, celle de la Revue des deux mondes et celle d’assistante parlementaire, selon le juge cité par Le JDD.
Par ailleurs, un numéro de la revue daté de 2017 et saisi au domicile des époux Fillon, contenait des notes relatives à la manière de justifier cet emploi. Des "éléments de langage", résume le juge dans les procès-verbaux. Interrogé sur le sujet lors de son audition, Penelope Fillon a assuré ne pas avoir écrit ces notes et n’avoir jamais ouvert cet exemplaire.