A deux mois de la présidentielle, trois juges d'instruction ont été désignés pour enquêter sur les soupçons d'emplois fictifs visant la famille de François Fillon, une étape qui pourrait encore fragiliser le candidat de la droite après un mois déjà houleux. Le parquet national financier (PNF) a ouvert vendredi une information judiciaire pour "détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité et recel de ces délits, trafic d'influence et manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique", a-t-il précisé dans un communiqué.
Et maintenant ? "Trois juges ont été désignés", a précisé une source judiciaire à l'AFP. Ces magistrats ont désormais la possibilité de convoquer le candidat à la présidentielle à tout moment en vue d'une éventuelle mise en examen ou d'un placement sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Fragilisé par cette affaire qui a éclaté il y a un mois et l'a fait reculer dans les sondages pour le premier tour du scrutin présidentiel, parfois à la troisième place derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron, François Fillon a exclu, contrairement à ce qu'il avait déclaré dans un premier temps, de se retirer de la course en cas de mise en examen.
"En raison de l'ancienneté" des faits. L'ouverture de cette information judiciaire intervient alors que la loi sur la réforme de la prescription en matière pénale, adoptée définitivement le 16 février par le Parlement, doit entrer en vigueur la semaine prochaine. Cette loi faisait courir un risque de prescription de certains des faits visés par l'enquête. C'est pourquoi le PNF justifie, dans son communiqué, l'ouverture de cette instruction, ce vendredi, par "l'ancienneté d'une partie des faits concernés" et "l'exigence de la mise en oeuvre de l'action publique", c'est-à-dire notamment l'ouverture d'une information judiciaire.
Ses avocats estiment que "son innocence sera enfin reconnue". Les avocats des époux Fillon ont immédiatement réagi, en déclarant ne pas douter que leur innocence "sera enfin reconnue" par "des juges indépendants" après l'ouverture d'une information judiciaire. Par sa décision, "le PNF confirme qu'il n'a pas pu démontrer la réalité des infractions poursuivies", estiment les avocats du couple Mes Antonin Lévy et Pierre Cornut-Gentille dans un communiqué.
Dans la foulée des premières révélations du Canard enchaîné sur les soupçons d'emplois fictifs de Penelope Fillon, le PNF avait ouvert le 25 janvier sous son autorité une enquête préliminaire confiée à l'Office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff). Après avoir reçu un premier rapport de police, le procureur financier, Eliane Houlette, avait écarté le 16 février "en l'état" tout classement sans suite.
Les emplois de Penelope Fillon au centre de l'enquête. Les investigations portent sur les emplois occupés par Penelope Fillon, l'épouse du candidat, comme attachée parlementaire de son mari et du suppléant de ce dernier pendant plus de quinze ans, pour un montant total de 680.380 euros nets, et comme salariée de la Revue des deux mondes, dont le propriétaire, l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière, est un proche de l'ancien Premier ministre. Autre sujet d'enquête, les emplois d'assistants parlementaires de deux enfants du couple, Charles et Marie Fillon, auprès de leur père quand ce dernier était sénateur de 2005 à 2007.