Alain Juppé a reconnu devant les associations anti-nucléaires, mercredi à Papeete, que les expérimentations atomiques menées entre 1966 et 1996 en Polynésie française avaient eu un "impact" environnemental et sanitaire.
"Un impact préoccupant sur l'environnement". "Il faut reconnaître que l'affirmation répétée pendant des années et des années selon laquelle les essais nucléaires ici étaient des essais propres était fausse", a-t-il déclaré après cette rencontre avec une quarantaine de vétérans du Centre d'Expérimentations du Pacifique. "Ces essais ont eu ont un impact et ont toujours un impact sur l'environnement qui est préoccupant ; ils ont eu aussi un effet sur la santé des populations", a poursuivi l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, qui avait repris une série d'expérimentations nucléaires à Moruroa en 1995, suscitant des émeutes à Papeete. Il dit cependant "assumer" la décision prise à cette époque.
La règle du "risque négligeable". Lors de son déplacement à Papeete en février, François Hollande avait aussi reconnu les "impacts" sanitaires et environnementaux des essais, mais il n'avait pas rencontré les associations de vétérans. Elles demandent la modification de la loi Morin, qui n'a permis d'indemniser qu'une poignée d'anciens travailleurs de Moruroa et Fangataufa, les deux atolls sur lesquels ont été réalisés les essais en Polynésie. Elles souhaitent en particulier supprimer la notion de "risque négligeable" contenue dans la loi. "Cette règle du risque négligeable n'est pas aujourd'hui une bonne chose et donne lieu à la fois à des retards d'indemnisation, à des contentieux qui ne sont plus supportables", a déclaré Alain Juppé, à l'issue de leur rencontre.
L'Etat français doit "demander pardon". Le président de la principale association de vétérans a regretté qu'il n'y ait pas eu de "pardon" après des essais nucléaires qu'il considère comme "un acte terroriste". "Il y a encore cette attente-là que l'Etat français pose un genou à terre, et demande sincèrement, humblement, pardon aux Polynésiens", a déclaré Roland Oldham, Président de l'association Moruroa e tatou. Pendant deux heures, plusieurs vétérans avaient témoigné de leurs souffrances devant Alain Juppé.
"Très lourd à assumer". Marius Chan, gendarme à Moruroa entre 1978 et 1981, a perdu un rein, souffre de maux de tête et voit des plaques noires se développer sur son corps, sans que le lien avec les expérimentations atomiques soit cependant prouvé. "La France s'est dotée de cette force nucléaire sur la mort des Polynésiens : c'est quelque chose de très lourd à assumer, mais je l'ai dit à Juppé", a-t-il témoigné, la voix tremblante, à la sortie de la réunion, où les médias n'étaient pas autorisés.
Chercher l'apaisement. Alain Juppé s'est aussi engagé sur d'autres demandes émanant des associations : le nettoyage des sites d'expérimentations, une indemnisation "raisonnable" de la sécurité sociale locale pour les surcoûts liés aux maladies radio-induites, et la création d'un "centre de mémoire". Pour "chercher la voie de l'apaisement", il a en revanche souhaité éviter de déplacer les débats à l'ONU, comme le souhaitent le leader indépendantiste Oscar Temaru et les associations.